Amis Bibliophiles bonjour,
Véloce et en permanence disponible, internet est devenu l’Hermès de nos sociétés. Il semble de toute évidence très léger et facile d’utilisation notamment face au poids du livre ( à moins que cette pesanteur ne vienne que des habitudes des bibliophiles ?). Lieu sans lieu où tout se vend en quelques clics, il] est donc tentant, même pour le bibliophile d’être présent sur la toile pour acheter ou vendre nos précieux livres.
C’est précisément là où le bât blesse : je me suis trahi. J’ai parlé de « précieux livre ». Or, sur internet, le terme « précieux » est synonyme de « commercial » et n’a aucune connotation affective, alors que se séparer d’un livre équivaut, pour le bibliophile, à amputer une partie intime de lui-même. Car un livre a un poids et une épaisseur psychologiques qui échappent à la balance commerciale.
En cas d’achat, le bibliophile, traquant l’exemplaire unique( celui qui précisément fait le « poids » ou valeur de son livre) peut-il trouver son compte sur internet? Le simple fait de l’ouverture au monde entier du marché du livre, met en présence plusieurs exemplaires du même livre, peut-être tous numérotés, signés, etc., - ce qui rend moins « unique » et plus rapide d’accès l’objet de la chasse bibliophile …
Si on outrepasse ces sérieux handicaps et qu’on se risque quand même à l’achat d’un livre, se dresse soudain toute la barrière des doutes: cette proposition toute virtuelle, légère, dématérialisée, correspond-t-elle à la réalité qui m’intéresse? Ce livre existe-t-il vraiment? Est-il conforme à sa description? Cette distorsion entre le livre présenté et sa réalité est un vrai problème. Sans parler de la possibilité du faux livre qui fait dire au journal DailyBeast que ces site sont « le paradis pour les faussaires ». De plus, après avoir payé, recevrai-je le livre et pourrai-je le renvoyer si je suis déçu?
De toute évidence, ces deux mondes ne sont pas faits pour s’entendre.
Peut-être demande-t-on trop vite aux gens qui s’intéressent aux livres de changer leurs habitudes? Il est tout à fait étonnant de voir la différence de comportement entre les acheteurs d’œuvres d’art comme les tableaux, les photographies, la sculpture…et les acheteurs de livres de bibliophilie, d’autant plus que le risque financier n’est pas le même. Une étude réalisée par la société d’assurance Hiscox sur le marché de l’Art en ligne sur les douze derniers mois a révélé que 61% des acheteurs ont acquis des tableaux originaux (dont 10% ont déboursé une moyenne de 50 000 €). Le marché de l’Art en ligne est estimé à 1,57 milliards de dollars et devrait doubler d’ici 5 ans.
À l’évidence, les bibliophiles sont plus frileux sur internet. On peut se dire que l’achat d’un tableau se fait plus facilement, qu’un coup d’œil plus ou moins approfondi mais vite séduit suffit, alors qu’il faut plus de connaissances pour choisir un livre rare. Mais s’il s’agissait simplement d’un virage que nous tous, bibliophiles, libraires, experts, commissaires-priseurs et autres, n’avons pas su aborder, habitués comme nous le sommes à une vente de confiance d’une personne à une autre, garantie par l’expertise du vendeur-libraire que l’on connaît bien, la plupart du temps ?
Si on ajoute que pour le bibliophile dont le plaisir est la recherche du livre, ce qui augmente le « poids» du livre est l’affectivité qui se noue entre un bibliophile et son livre. La relation entre le bibliophile et le livre se construit : c’est ce qui fait qu’elle est toujours forte («lourde») Or, on peut trouver très vite ce que l’on cherche, sur internet ce qui fait que cette immédiateté de la trouvaille diminue ou détruit le plaisir…On peut continuer à l’infini et trouver de bonnes raisons de ne pas faire un pas vers l’autre
La bibliophilie doit continuer à avancer et sortir de l’ombre pour traverser les nouvelles technologies et affirmer sa présence et sa vitalité. Le modeste rôle des éditions Ipagine est d’amener le plus de personnes possible à la bibliophile et faire se rencontrer deux mondes qui semblent s’opposer.
Du haut de mon ignorance, je lance un appel: y a t-il un organisme, un groupe de réflexion, qui s’est déjà demandé comment faire pour qu’internet soit un tremplin pour la bibliophilie ?
Des idées?
patrice@ipagine.com