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Dans la bibliothèque des bibliophiles du Blog: le dernier achat de PhilippeM, un ouvrage de Justin, édité chez Gryphe, 1551, et relié pour Henri III

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Amis Bibliophiles bonjour,

J’ai acquis tout dernièrement un ouvrage de l’historien latin Justin, édité à Lyon chez Sébastien Gryphe en 1551. Cette édition n’est ni particulièrement rare, ni particulièrement recherchée et ce qui donne un certain intérêt à cet ouvrage est la reliure qui l’habille. 




Il s’agit d’un maroquin rouge mosaïqué de maroquins brun et citron avec des rehauts de peinture (sur les listels et les armes), postérieur de quelques années à l’édition, mais bien caractéristique des années 1560. Un décor doré de plaques avec cartouche central et écoinçon mosaïqués azurés sur un fond de quatrefeuilles est présent sur les deux plats et le dos long est également décoré d’un semis de losanges assortis de fers azurés en tête et en pied. 

Les coupes sont décorées d’une roulette dorée, les tranches sont dorées et incisées, les tranchefiles de soie bleue et blanche et il subsiste les vestiges de lacets de soie blanche.



Le cartouche du plat supérieur porte les armes d’Orléans (de France au lambel d’argent) avec le collier de l’ordre de Saint Michel, tandis qu’au plat inférieur, apparaît une représentation allégorique composée d’une colonne à laquelle est suspendu un sceptre avec une couronne royale et à sa base un bouc, un loup et un ours. Une devise en capitales dorées entoure ce cartouche : « QUI REGIT HAEC REGNAT ».

Je vous avouerais que je n’aurais pas forcément accordé une grande attention à cet ouvrage manquant de conservation, si je n’avais déjà croisé les emblèmes de cette reliure…

Rencontrées dans le premier volume de la vente de la bibliothèque Raphael Esmérian (1972, lot 56), et dorées sur une reliure d’un style proche, avec cartouches centraux, écoinçons azurés et semé de petits quatrefeuilles. Cette reliure est ainsi présentée :

« Cet exemplaire réglé a été relié pour Henri III alors agé de 11 ans, l’ouvrage ayant été destiné à l’éducation du jeune prince royal. Les armes d’Orléans sont celles de l’apanage dont il venait d’hériter lors de l’avènement au trône de son frère Charles IX en 1560. Sa mère Catherine de Médicis ne tarda pas à lui faire abandonner ce titre qui présentait quelques inconvénients, le duché étant huguenot ; elle lui fit donc reprendre le titre de duc d’Anjou. C’est assez dire la grande rareté de ces armes. Les emblèmes sont expliqués ainsi par L. Double (« Cabinet d’un curieux » : Les trois animaux attachés à la colonne symbolisent trois vices : la luxure, la paresse et la cruauté. Le sens de la devise est donc « celui qui sait commander à ses passions est vraiment roi » .

Reliure du Diogene Laerce de la collection Esmerian
Cette attribution à Henri III jeune est corrélée par l’existence d’un jeton frappé de 1561 à 1567 portant au revers les mêmes emblèmes et devise, tandis qu’à l’avers figurent les armes d’Orléans et la titulature suivante « Alexander Dux Aureliar. », c'est-à-dire Alexandre duc d’Orléans. En effet, le jeune Alexandre-Edouard ne prit le prénom d’Henri, en hommage à son père Henri II qu’en 1564.


Jeton en argent aux armes et emblèmes d’Alexandre-Edouard d’Orléans (http://www.inumis.com/us/vso/V00012/alexandre-edouard-duc-d-orleans-[henri-iii]-1561-a19994.html)

La reliure de R. Esmérian recouvre « De vita et moribus philosopharum » de Diogène Laerce, Lyon, S. Gryphe, 1561 ; elle provient des bibliothèques Rahir (1930), Withney-Hoff (1933) et L. Graux (1957). Dans le catalogue de vente de Mme Withney-Hoff, cinq autres reliures semblables sont répertoriées :

-Ovide (cabinet d’un curieux, L. Double)
-Diodore de Sicile (collection Dutuit, Petit-Palais)
-Vie de César (Catalogue de riches reliures, Librairie Belin, 1910)
-Macrobe (Bibliothèque de la ville de Marseille)
-Commentaires de César ( Musée Arbaud, Aix-en-Provence)

Dans son étude sur les reliures de Henri III ( Les reliures de Henri III, essai de typologie, 2006), Fabienne Le Bars explique que ce « groupe de volumes de petit format réunit des textes d’auteurs de l’Antiquité que l’on peut penser avoir été offerts au jeune prince pour parfaire son éducation » et L. M. Michon (La reliure française, p. 75) suppose en raison de leur imprimeur lyonnais commun qu’elles ont été exécutées à Lyon.

Aux six volumes déjà connus, il convient désormais de rajouter cet ouvrage de Justin et une recherche sur internet m’a permis de localiser une autre reliure appartenant à ce même groupe, conservée à la biblioteca di via Senato di Milano et recouvrant Historie di Niccolo Machiavelli, Venise, Giolito de Ferrari, 1550.


Reliure du Machiavel de la bibliothèque du via Senato à Milan
Reste à savoir si le jeune Alexandre-Edouard était fort en version latine ou si les mouillures qui parsèment l’ouvrage proviennent de ses larmes face aux leçons à apprendre …

J’ai acheté cet exemplaire en vente publique au prix de 850 euros (frais compris) car je suis très sensible aux jeux d’entrelacs des reliures de la renaissance. Celle-ci, malgré ses défauts de conservation, est de grande qualité et sa provenance peu courante m’a bien entendu aussi séduit.

Philippe M.


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