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Channel: Le Blog du Bibliophile, des Bibliophiles, de la Bibliophilie et des Livres Anciens
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Une autre de Luynes, les bibliothèques de la comtesse de Verrue, et ses ouvrages de Meudon

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Amis Bibliophiles bonjour,

Quelques semaines avant l'une des grandes ventes de l'année, la vente de la Bibliothèque des ducs de Luynes (Château de Dampierre - Première partie, les 29 et 30 avril, chez Sotheby's), dont le catalogue se fait d'ailleurs attendre, à moins que Sotheby's ait choisi de ne pas le rendre disponible en ligne, j'ai eu envie de me pencher sur une autre Luynes, Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes, comtesse de Verrue.

En effet, non seulement la comtesse de Verrue fut une grande collectionneuse, et laissa une bibliothèque très importante, mais certains de ses ouvrages présentent une caractéristique intéressante pour les amateurs, la célèbre mention "Meudon".


La comtesse de Verrue est née le 18 janvier 1670 et morte le 18 novembre 1736. Fille de Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes, et de sa seconde épouse, Anne de Rohan-Montbazon, elle eut pour parrain, à son baptême en l'église Saint-Eustache, Jean-Baptiste Colbert, dont on lui donna les prénoms. 

Le 25 août 1683, après une éducation à Port-Royal, on lui fit épouser à l'âge de treize ans et demi Auguste Manfroy Joseph Hiérosme Ignace Scaglia, comte de Verua (francisé en Verrue), colonel de dragons et diplomate piémontais qui l'emmena avec lui à la cour de Savoie à Turin et dont elle eut quatre enfants. Puis le duc de Savoie Victor Amédée II de Sardaigne tomba follement amoureux d'elle vers 1688. Elle repoussa longtemps ses avances avant de céder, trahie par sa famille et "encouragée" par Louis XIV, et de devenir sa maîtresse quasi-officielle. Ils eurent deux enfants qui furent tous deux légitimés en 1701.


Elle devint veuve lorsque son mari fut tué à la bataille d'Hochstädt le 13 août 1704. On raconte que, guérie elle-même d'une tentative d'empoisonnement de la part d'ennemis en Italie, elle en remit le remède à Mme de Ventadour, ce qui contribua à sauver, en 1712, le futur Louis XV de la rougeole qui emporta son frère aîné, le duc de Bretagne. Cet épisode lui valut la reconnaissance et l'amitié de Louis XV. Madame de Verrue devint alors familière de la cour. Elle fut notamment l'amie intime du duc de Bourbon et de sa mère, la princesse douairière de Condé.

Après avoir vécu recluse pendant plus de trois années à la demande de son mari, « L'excentrique comtesse de Verrue réapparut dans le monde et s'éprit alors d'un baron de fraîche date, Jean-Baptiste Glucq dit de Saint Port puissamment enrichi aux Gobelins » dit Saint-Simon, qui avance qu'elle l'épousa secrètement, ce qui n'a jamais été prouvé. 

Amie des lettres, des sciences et des arts, elle renoua des liens avec une société choisie d'écrivains et de philosophes français, notamment Voltaire, qu'elle admirait. A Paris, elle installa les nombreux cadeaux reçus lorsqu'elle se morfondait en Italie, dans l'hôtel d'Hauterive – détruit depuis par le percement du boulevard Raspail – agrandi pour accueillir une collection de plus en plus étoffée, et acheta aux Carmes voisins des maisons qu'elle loua au fur et à mesure à des relations. 

Elle y tint un salon où se pressèrent des fidèles comme l'abbé Terrasson, Rothelin, le garde des sceaux Chauvelin, Jean-François Melon, Jean-Baptiste de Montullé, le marquis de Lassay et son fils Léon de Madaillan de Lesparre, comte de Lassay et bien d'autres qui vinrent se fixer près de chez elle.

Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes possédait deux bibliothèques, l'une dans son hôtel de la rue du Cherche-Midi, à Paris, l'autre dans sa maison de campagne de Meudon. Au total, près de 18 000 volumes répartis sur les deux sites. 

La bibliothèque parisienne fut dispersée lors d'une vente en mars et en avril 1737 dont le catalogue, rédigé par le célèbre libraire Gabriel Martin comportait 3000 articles (à noter qu'il est peu pratique, ayant été rédigé selon l'ordre de classement dans les rayons), et excluait les ouvrages jugés trop licencieux pour être mis en vente publiquement. Les grands amateurs de l'époque, comme le duc de La Vallière, profitèrent de l'occasion pour enrichir leurs propres bibliothèques. 

Le destin des ouvrages restés à Meudon fut tout autre, puisqu'ils suivirent celui de la maison, léguée par la comtesse à son frère Louis-Joseph d'Albert de Luynes. 

On identifie généralement assez facilement les ouvrages de cette "deuxième" bibliothèque de Meudon, la comtesse ayant pris soin de faire dorer, à quelques exceptions près qui montrent que certains ouvrages voyageaient parfois avec le comtesse lors de ses séjours à la campagne, la mention "Meudon" sur les plats, au dessus de ses armes; nuance importante qu'il convient de noter, dans la mesure où d'autres ouvrages dorés "Meudon" firent leur apparition (sans les armes cette fois) après la mort de la comtesse.


Deux ouvrages en maroquin rouge et olive de la bibliothèque
du Cherche-Midi
A quelques exceptions près, les ouvrages conservés à Meudon étaient reliés en veau, à la différence de ceux hébergés rue du Cherche-Midi, qui étaient pratiquement tous reliés en maroquin. On pense désormais que les quelques ouvrages en maroquin présents à Meudon étaient initialement conservés rue du Cherche-Midi et que la comtesse les fît transporter dans sa maison de campagne pour faire place à de nouvelles acquisitions (ainsi l'édition de 1719 de la Princesse de Clèves était-elle à Paris, tandis que celle de 1678 fît le voyage de Meudon).

Il arrive au bibliophile de croiser ces beaux ouvrages portant les armes de la comtesse de Verrue, parfois accompagnées de la mention Meudon au dessus des armes. Il lui arrive également de croiser des ouvrages reliés en veau, portant la mention Meudon dorée sur les plats, mais sans les armes. Ces ouvrages furent acquis par Angélique-Victoire, héritière de la comtesse et fille de sa nièce, qui perpétua la tradition en faisant dorer Meudon sur les plats, ainsi qu'un rappel des armes, le lion, dans les entrenerfs. Il est relativement simple de distinguer ces ouvrages, imprimés après le décès de la comtesse. 

Ouvrage postérieur à la mort de la comtesse
Un nombre significatif des ouvrages de Meudon rejoignirent finalement la bibliothèque du duc de Villeroy, où ils furent confisqués à la Révolution. 

Amis Bibliophiles, si vous croisez un ouvrage portant la mention Meudon sur les plats, ayez une pensée pour la comtesse de Verrue, protectrice des arts, qui le tînt probablement un jour entre ses mains. 

Si l'ouvrage porte la mention Malmaison, et bien... c'est une autre histoire.

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Miscellanées bibliophiles de Monsieur H.: cent ventes de livres anciens en avril, des nouvelles du site encheresbibliophiles.fr, des papiers dominotés, le Grand Palais

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Amis Bibliophiles bonjour,

I. Cent ventes aux enchères en un mois! 

Oui, vous avez bien lu, il y a une centaine de ventes de livres et d'oeuvres imprimées cataloguées prévues dans le monde au mois d'avril. Alde, Bonhams, Sotheby's, Christies, de Baecque, Piasa, etc. des maisons spécialisées, des ventes en France, en Europe, dans le monde entier. Si on part sur 300 lots par vente, cela fait quand même 30 000 lots à écouler au cours du mois, ou 1000 par jour.


Et pour terminer le mois, le salon du livre ancien du Grand Palais organisé par le Slam les 26, 27 et 28 avril 2013. 

Cela laisse l'amateur que je suis complètement rêveur: comme chaque année j'avais prévu de faire quelques économies avant le salon afin de pouvoir céder à la tentation, quitte à mettre sur pause des achats éventuels dans les semaines qui précèdent. Puis la vente Luynes est venue perturber ce rêve, entretenant l'illusion que peut-être, comme lors des ventes Bérès, je pourrai revenir chez moi avec un joli lot.

C'était sans compter sur les 99 autres ventes et leur lot de tentations. Un ami bibliophile m'affirme que c'est le moment où jamais de faire de beaux achats: les libraires sont concentrés sur le salon et les investissements qu'ils consentent pour être présents, voire la vente Luynes et seront dans une logique de reconstitution des stocks à partir du début du mois de mai. Les bibliophiles eux-mêmes, comme moi, semblent un peu perdus. Certains se perdent en incantations pour faire apparaître des exemplaires Radziwill, d'autres passent leurs soirées à analyser des catalogues et oublient le jour de la vente, d'autres enfin continuent à souligner des lots en continuant de croire les estimations des... "experts".

Qu'en pensez-vous? Cent ventes (et je vous passe les petites ventes non répertoriées)? Est-ce bien raisonnable? Comment gérer? Cela a-t-il encore un sens d'aller au Grand Palais?

II. Des nouvelles du site encheresbibliophiles.fr...

Je n'avais pas anticipé une telle affluence sur le site et j'avais donc sous-estimé la capacité louée chez l'hébergeur. Et crac, le site s'est écroulé en 48 heures. Il est de retour, toujours en version beta, avec une capacité accrue. J'en ai profité pour enlever certaines rubriques (US et UK par exemple, dont le système de tri ne permet pas de filtrer suffisamment les résultats), et réduire le nombre de rubriques pour les sites italien et allemand. 


Vous me direz ce que vous en pensez, personnellement je n'utilise presque plus que ce site pour surfer sur ebay, couplé à quelques recherches automatiques sur ebay.fr. A noter que vous pouvez rechercher sur encheresbibliophiles.frà partir de mots clefs, en entrant par exemple "Paris" dans la zone de recherche pour le site allemand, ou "maroquin" dans la zone de recherche pour ebay france.

J'ai pour l'instant laissé la rubrique "Antiquités", qui change un peu, et permet de chiner dans un autre univers. 

A terme, si mon agenda le permet, je pense ajouter plusieurs autres rubriques, comme les catalogues des ventes aux enchères en salles à venir, un lexique, mais aussi des liens vers les boutiques ebay de libraires intéressants. Si vous avez d'autres idées, je suis bien sûr intéressé.

III. Une exposition sur les papier dominotés, à noter dans vos agendas:


"Cher ami bibliophile,

Vous avez eu l'occasion de parler sur votre blog des livres couverts de dominotés ou aux gardes de papiers dorés (ici http://bibliophilie.blogspot.fr/2011/01/un-tres-bel-ouvrage-de-bibliophilie.html)... Sans doute serez-vous intéressé par cette exposition organisée par la Bibliothèque Mazarine, en collaboration avec la Médiathèque Louis-Aragon du Mans et les Editions des Cendres. Elle présente une sélection des papiers décorés conservés par les deux bibliothèques ou prêtés par des collectionneurs.


Informations pratiques :
2 avril – 7 juin 2013
Entrée libre, du lundi au vendredi, de 10h à 18h

Bibliothèque Mazarine
23 quai de Conti
75006 Paris

Plus d'informations à l'adresse :
http://www.bibliotheque-mazarine.fr/expositions/papiers_dominotes/

Florine Levecque
Bibliothèque Mazarine
Conservatrice en charge des services aux publics et de la communication
Mél : florine.levecque@bibliotheque-mazarine.fr

Nadine Férey-Pfalzgraf
Médiathèque Louis-Aragon , Le Mans
Conservatrice des fonds patrimoniaux
Mél : nadine.ferey@ville-lemans.fr


IV. Grand Palais...

Bien sûr, le salon du Grand Palais sera comme depuis quelques années déjà, l'occasion d'organiser un repas entre bibliophiles, mais je reviendrai vers vous avec plus de précisions.

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L'amour des livres et la folie du livre, par Henry Houssaye

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Amis Bibliophiles bonjour,


"Ecoutez tous les moralistes et tous les satiriques qui, depuis La Bruyère, ont raillé les bibliophiles. Un bibliophile a des livres pour ne les lire jamais. Il n'en connaît que le format, la date de ma publication, le nom de l'éditeur, les fautes d'impression qui distinguent le premier tirage, la mesure au millimètre; il ne les estime que pour leur reliure ou leurs vignettes; il ne les prise que pour leur rareté et leur valeur vénale. Il voit l'extérieur d'un lire, le fond lui est indifférent; il se passionne pour le contenant, peu lui importe le contenu. 

Le bibliophile n'aurait pas ouvert la boîte de Pandore! 

Parlez-lui de la grandeur de Bossuet, de la naïveté savante de La Fontaine, de l'art de La Bruyère, il vous répondra par la netteté des Elzeviers, la grâce d'Eisen, la perfection de Trautz-Bauzonnet. Il a étudié la littérature dans le Manuel du libraire. Encore les railleurs ne mettent-ils en cause que les bibliomanes experts dans leur partie ; ils ont la bonne foi de ne pas rappeler ce personnage qui commanda un jour à un libraire « pour garnir son cabinet de travail, » cent vingt mètres de livres bien reliés ! 


Tel amateur pousse si loin le raffinement, épurant de plus en plus sa collection, qu'il en arrive à ne conserver que cinquante volumes irréprochables : une bibliothèque qui vaut deux cent mille francs et qui tiendrait dans une valise. Tel autre achète sans choix, sans goût, sans méthode, au hasard de la rencontre. Il lui faut acheter chaque jour, il a le prurit de l'achat. Il entasse, il entasse, il entasse. Les livres sont placés sur ses rayons par quatre rangs de profondeur, comme les fantassins dans l'ordre de bataille du temps de Louis XIV. Mais bientôt les tablettes ne suffisent plus. Le flot monte toujours. Les bouquins envahissent les placards et les tiroirs, escaladent les tables, grimpent sur les fauteuils, s'échafaudent en piles dans les angles de la pièce, s'amoncellent en tas sous tous les meubles, gagnent la salle à manger, les salons, les corridors, le logis entier, jusqu'aux chambres des bonnes. 

"C'est à vous d'en sortir... 
La maison m'appartient, je le ferai connaître." 

Et, de fait, on n'a plus qu'à déménager. 

Comme toute espèce du règne animal, l'espèce bibliophile a ses variétés. Ergaste est tout ce qu'il y a de plus éclectique; on trouve dans sa bibliothèque la première édition de l'Imitation et l'édition illustrée de Monsieur, Madame et Bébé. Chez Cléante, l'exclusivisme est tel qu'il confondrait les rédacteurs des Index librorum prohibitorum. Qu'on cite devant lui Alde ou Anthoine Vérard, il reste froid ; il ne sera touché que si l'on nomme Elzevier ou Didot l'aîné. De même, vantez à Damis l'invention, le style, le caractère des figures d'Albert Durer, de Hans Burgmaïr, de Geoffroy Tory, de Bernard Salomon, il ne vous entend pas: pour lui, l'illustration des livres commencée à Gravelot et finit à Le Barbier. Certains bibliophiles ne jurent que par Derôme le jeune ouTrautz-Bauzonnet; ils sont insensibles aux entrelacs des Clovis Eve et aux compartiments au pointillé de Le Gascon, et tiennent en mépris les reliures italiennes du XVIe siècle. 

D'autres, au contraire, déclarent ex-cathedra que la décadence de la reliure date de Derôme, font des reliures italiennes l'objet constant de leurs recherches et ne conviendraient pour rien au monde que le travail en est lourd et la dorure bavochée. 

Il arrive que les amateurs les plus absolus dans leurs idées sont ceux qui y renoncent le plus aisément. Soudain, ils prennent en dégoût une classe de livres, mettent leur bibliothèque en vente et commencent à collectionner d'autres bouquins, à l'égard desquels ils affichaient, peu de temps auparavant, la plus dédaigneuse indifférence. En cela, obéissent-ils bien à leur goût ? Ne subissent-ils pas plutôt les caprices, la tyrannie de la mode? La mode régit la curiosité comme les ajustements. Naguère, on recherchait surtout les incunables, les gothiques, les éditions princeps, puis on en est venu aux Elzeviers, aux poètes du XVIe siècle, aux éditions originales du XVIIe siècle, enfin aux livres à figures du XVIIIe siècle. 

Aujourd'hui, ce sont les romantiques et les livres à vignettes d'il y a quarante ans qui font prime, à la condition toutefois qu'ils soient à toutes marges et dans leur couverture imprimée. Hors de la couverture, point de salut. On donnerait tout le volume pour la seule couverture ! En fait de reliures, la mode a les mêmes fluctuations. Les bibliophiles de l'ancienne école estimaient les reliures modernes, signées des bons faiseurs, à l'égal des reliures anciennes en maroquin, mais ils cassaient impitoyablement toutes les reliures en veau^ quel qu'en fût l'état de conservation. Nos contemporains sont las des reliures modernes. Ils exaltent les vieux maroquins et réhabilitent les vieux veaux. Nous avons ouï dire qu'un célèbre bibliophile fit un jour remplacer une reliure en veau aux armes de Mme de Maintenon, recouvrant un exemplaire de l'édition originale in-12 d'Esther, par un maroquin de Lortic ou de Trautz. Cela serait désormais considéré, et non sans raison, comme un crime de lèse-bibliophilie. 

Sans doute, au nombre des railleries auxquelles sont en butte les bibliophiles, il en est de bien fondées. L'amour des livres est une passion, et, comme toute passion, il a ses écarts et ses égarements. Mais cette passion, qui dégénère parfois en folie, qui donne les émotions du jeu dans les ventes publiques, les émotions de la chasse chez les bouquinistes, et qui, il le faut bien reconnaître, est souvent une des formes de l'avarice — le collectionneur ne se complaît-il pas dans la valeur vénale de sa collection et ne la proclame-t-il pas ? N'appréhende-t-il pas une baisse des livres qui déprécierait les siens, encore qu'elle lui permît d'acquérir à bon compte ceux qu'il convoite ? — cette passion, disons-nous, a une base rationnelle, une origine bien estimable ; cette passion est élevée, car elle a pour fondement l'amour des lettres. 

Voici, en effet, comment on devient bibliophile. Nous parlons de l'élite, nous parlons aussi du grand nombre, nous ne parlons pas des exceptions. Nous n'avons point à nous occuper des gens qui s'improvisent un beau matin bibliophiles par genre ou par ennui, et qui créent une bibliothèque en six mois à grands coups de billets de banque. 

On commence par aimer les livres uniquement pour ce qu'ils sont. On lit les chefs-d'œuvre et les demi-chefs-d'œuvre dans des volumes à trois francs, voire même à un franc. On les relit, on se promet de les relire encore. Pour conserver, et aussi pour honorer ces livres, on les fait relier, — très mal d'abord ! Ces humbles volumes sont le noyau de la bibliothèque. Puis on s'arrête devant l'étalage des bouquinistes en plein vent. On trouve là quelques livres anciens, intéressants, qu'on n'avait pas lus. On les achète. On a déjà deux ou trois cents volumes sur ses rayons. Si l'on continue ainsi, on aura la bibliothèque d'un lettré, — celle d'un érudit, au cas où l'on s'attacherait à une spécialité. Si, au contraire, on est prédestiné, marqué pour la bibliophilie, une transformation s'opère. On ne s'en tient plus aux parapets des quais, on entre chez les libraires en boutique, on fait de longues haltes devant les vitrines rutilantes des grands bouquinistes des passages, on pénètre timidement dans ces terres promises, on va aux ventes, on lit les catalogues et les manuels, on demande des conseils que l'on suit plus ou moins. On fait bien des écoles ; on achète à tort et à travers, et sans y regarder de trop près, les Elzeviers rognés à la marge, les poètes du XVIe siècle roussis et piqués, les prosateurs du XVIIe siècle outrageusement lavés, les livres à figures de second tirage, les gothiques incomplets, les romantiques maculés, les maroquins anciens à coiffes brisées, à coins écornés, à plats éraillés, les reliures armoriées salies ou remboîtées. Peu à peu pourtant, le goût se forme et s'épure. On possède par hasard quelques exemplaires irréprochables; on les compare avec ses autres livres et l'on devient tout confus. 


On se débarrasse des volumes qu'il y a un an encore on considérait comme joyaux inestimables, on devient difficile, on n'achète plus qu'à bon escient. Mais en même temps que le goût se raffine, il dévie. La curiosité se mêle à l'amour du livre. On achetait jadis les livres pour les lire, on les achète pour les posséder. On voulait un bon texte dans une belle édition, ornée de belles gravures, et dans un bel exemplaire revêtu d'une belle reliure. On ne demande plus que la belle édition, les belles gravures, le bel exemplaire, la belle reliure ; pour le bon texte, on n'en a cure. La passion de la typographie des Elzeviers qu'on a prise dans le César de 1635 ou dans le Régnier de 1642, entraîne à acheter la Description d'Amsterdam en vers burlesques ou le Pastissier français ; le goût pour les figures d'Eisen qu'on a pris dans les Contes de La Fontaine, met en honneur toute une classe de méchants poètes et en tête le fade Dorât. Les armes du comte d'Hoym sont sans prix sur un Molière ou un Pascal ; mais on ne les recherchera guère moins si elles brillent sur les plats de la Clotilde, de Boyer, ou de l'Usage des Passions du Père Sénault. C'est la folie qui commence. On achète désormais selon l'occasion, avec goût, mais sans méthode et sans plan. On a les neuf éditions sacramentelles de La Bruyère dans la plus magnifique condition. Mais on n'a point un seul La Rochefoucauld, parce qu'on n'en a point encore trouvé un qui parût digne de la bibliothèque d'un véritable amateur ! 

Passe encore que les pauvres diables, dévorés de la passion des livres et plus riches de désirs que d'argent, prennent l'ombre à défaut de la proie. On conçoit que ceux-là se contentent d'Eisen dans le marquis de Pezaï, — ils ne peuvent l'avoir dans La Fontaine — et qu'ils soient tout heureux du mouton de Longepierre sur un Pradon, puisqu'ils ne sauraient le posséder sur un Racine. Mais les autres, les grands bibliophiles, les providences des libraires et les rois des ventes publiques, ne devraient-ils pas remonter à la véritable source de leur passion, l'amour du livre pour sa valeur littéraire ? 

Le vrai luxe, le luxe suprême, le luxe poussé jusqu'à l'insolence, ce serait de n'avoir dans sa bibliothèque que les livres qu'on y aurait en in-12 à trois francs, reliés en demi-veau, si l'on était un simple lettré, et d'avoir ces livres-là dans les éditions les plus belles et les plus rares, dans les exemplaires les plus irréprochables, dans les reliures les plus riches et les plus curieuses. 

Nous avons rêvé cette bibliothèque. Nous en donnons un aperçu dans une de ses divisions : Les poètes latins anciens : 

POÈTES LATINS ANCIENS: 

1. T. Lucretius. De rerum natura. S. /. n. d. (Brixiae, circà 1473). 
In-fol. ; maroq. brun à comp. or et couleur, doublé de maroq. rouge. 
Armes du duc d'Aumale à l'intérieur; tr. dor. {Trautz-Bauzonnet). 
Édition princeps; un des trois exemplaires connus. 
(Bibliothèque de Mgr le duc d'Aumale.) 

2. Publii Virgilii maronis OPERA. Lugduni, apud Stephanum Doletum, 
1540. In-8; maroq. rouge, comp. à entrelacs, tr. dor. (Lortic). 
Édition imprimée chez Etienne Dolet, d'une extrême rareté, non citée au 
Manuel du Libraire. 
(Bibliothèque de A. Firmin-Didot.) 

3. Q. Horatii Flacci OPERA. Londini, Tabulis œneis incidit Johannes 
Pine, 1733-1737. 2 vol. in-8°, texte gravé; fig. ; maroq. citron, à incrustations mosaïques de maroq. bleu, 
rouge et vert représentant des fleurs, tr. dor. (Derôme). 
Premier tirage. 
(Bibliothèque de J.-Ch. Brunet.) 

4. Catullus, Tibullus, Propertius. Jos. Scaliger recensuit. Lutetiœ, 
apud Mamertum Patissonium, 1577,2 parties en i vol. in-8*»; maroq. 
vert, à comp. de volutes, de rinceaux et de feuillage, tr. dor. {Reliure 
du XVIe siècle). 
Exemplaire en grand papier, aux premières armes de J.-A de Thou. 
(Bibliothèque de M. E. Quentin-Bauchart.) 

5 P. Ovidii Nasonis, Fastorum libri VI, Tristium libri V, de Ponto 
libri III, etc. Venetiis in œdibus Aldi et Andreœ Socerij i5i6. In-8; 
maroq. bleu foncé, fil. et fleurons, tr. dor. [Reliure du XVIe siècle]. 
Exemplaire de Marc Laurin, seigneur de Watervlied. Le plat recto de la reliure 
porte sa devise : Virtus in arduo, et le plat verso les mots : M, Laurini et amicorum. 
(Bibliothèque de Mgr le duc d'Aumale.) 

6. Les Métamorphoses d'Ovide, en latin et en françois, de la traduction 
de M. l'abbé Banier. Paris, Hochereau; 1767-1771 - 4 vol. in-4; 
Fig. de Boucher, Eisen, Moreau, Choffart, etc., etc.; maroq. rouge, 
fil. tr. dor. [Derôme], 
Un des 12 exemplaires en grand papier. 
(Bibliothèque du baron James de Rothschild) 

7. Phadri Aug. Liberti, fabularum œsopiarum, libri V. Notis illus- 
travit David Hoogstratanus. Amstelaedami, ex typographiae Francisci Halmae, 1701. 
In-4''; fig. en médaillons; maroq. rouge, fil. tr, dor. [Anguerran], 
Exemplaire en grand papier. 
(Bibliothèque de M. Lebœuf de Montgermont.) 

8. Juvenalis, Persius. Aldus 1535, In-8; veau brun, à comp. d'entrelacs, tr. dor. 
[Reliure du XVIe siècle]. 
Exemplaire de Grolier, avec sa devise Grolieri et amicorum sur le plat recto 
de la reliure, et sa signature au bas du dernier feuillet du volume. 
(Bibliothèque de M. Eugène Paillet.) 

9.. Lucanus. Romae [Sweyhheym et Parmartz) 1469. In-fol.; maroq, brun, 
à comp. en mosaïque, doublé de maroq. rouge, à comp. tr. dor 
{Cape). 
Édition princeps. 
(Bibliothèque de Mgr le duc d'Aumale.) 

10. Statu opera. Lugduni, Seb. Gryphius, 1547. In-16; maroq. vert, 
fil. tr. dor. (Reliure du XVIIe siècle). 
Aux armes du comte d'Hoym. 
(Bibliothèque de M. le marquis de Faletans.) 

11. M. V. Martialis, epigrammatum libri XIV. Lugduni, in œdibus Joharnis Moylin, 1522.In-fol. gothique; fig. sur bois; maroq. rouge, fil. 
tr. dor. (Ancienne reliure). 
(Bibliothèque du marquis de Morante.) 

12. Ausonii Opera, R Th. Pulmanno in meliorem ordinem restituta. 
Antuerpiœ, Chr. Plantinus, 1568. In-16; maroq. rouge, comp. de fil. 
au pointillé , tr. dor. (Le Gascon). 
(Bibliothèque de M. H. H.) 

13. M. Acci Plauti comoediae, ex recensione J. F. Gronovii. Lugduni, 
Batavorum ex officind Hackiana, 1664. 1 tome en deux vol. in-8; 
front, gr. maroq. bleu, fil. tr. dor. (Pasdeloup). 
Exemplaire de Longepierre, avec les insignes de la Toison d'Or sur le dos et 
aux coins de la reliure. 
(Bibliothèque de M. Robert S. Turner.) 

14. Pub. Terentii comoediae, ex recensione Heinsianâ. Lugd. Batavorum, ex officina Elzeviriana
1635. In-12; front, gr. maroq. rouge; 
fil. doublé de maroq. rouge, dent. tr. dor. (Boyet). 
(Bibliothèque de M. le baron Roger Portails.) 

15. L. Annei Senecae Tragoediae. (in fine) Impressum Venetiis per Bernardinum de Vianis de Lexona, 
Vercellensem, 1522. In-fol.; fig. sur bois; maroq. rouge, fil. tr. dor. (Reliure du XVIe siècle). 
Exemplaire aux armes du prince Eugène de Savoie. 
(Bibliothèque de A. Firmin-Didot.) 

Il n'y a là que quinze ouvrages, mais ces livres-là sont de ceux qu'on ne se lasse point de relire. Ce catalogue de quinze numéros seulement comprend deux incunables des plus rares, une impression gothique, deux Aldes, un Etienne Dolet, un Mamert Patisson, un Gryphe, un Plantin, un Elzevier, un Hack, deux belles éditions du temps de Louis XV, des livres à figures des XVI, XVII et XVIIIe siècles. Ces quinze volumes ont été reliés à l'époque de la Renaissance par des artistes lyonnais et parisiens, ou plus tard par Le Gascon, Boyet, Anguerran, Pasdeloup, Derôme, Trautz-Bauzonnet, et ils portent les armes ou la devise de Grolier, de Laurin, de J.-A. de Thou, du prince Eugène de Savoie, de Longepierre, du comte d'Hoym, du duc d'Aumale. C'est toute la poésie latine, et c'est en même temps la synthèse de l'histoire de l'imprimerie, de la gravure et de la reliure; c'est une des plus glorieuses pages de l'armorial des grands amateurs de livres. Quelle jouissance pour l'esprit, quelle joie pour les yeux, quel contentement au cœur du bibliophile ! 

Henry Houssaye."

Le Livre, Bibliographie rétrospective, 4ème année.

Ebayana et Bibliophilie, livres anciens en vente sur ebay: belles reliures, EO, livres à planches, éditions du 16ème au 20ème siècle

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Amis Bibliophiles bonjour,

Le site encheresbibliophiles.fr est toujours disponible en version beta, il est stabilisé, j'ai ajouté les liens vers els sites italiens et allemands.

Voici une liste d'ouvrages intéressants actuellement en vente sur ebay:



















































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Buzz Bibliophilie, ou le "Pschitt" de la vente de la bibliothèque des ducs de Luynes chez Sotheby's (29 et 30 avril 2013)

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Amis Bibliophiles bonjour,

Buzz: le buzz (anglicisme de « bourdonnement » d'insecte) est une technique marketing consistant, comme le terme l'indique, à faire du bruit autour d'un événement, un nouveau produit ou d'une offre. Assimilée au marketing viral, cette pratique en diffère par le contrôle du contenu (message publicitaire ou de communication).

On allait voir ce qu'on allait voir, parole d'expert, M. Courvoisier en l'occurrence; selon lui : "Une telle bibliothèque ne s'est pas présentée sur le marché depuis la vente de la bibliothèque du château de La Roche-Guyon, succession de Gilbert de La Rochefoucauld, organisée par Sothebys en 1987."


Depuis le mois de janvier, les informations étaient distillées au compte-goutte: article dans le Figaro et quelques rares médias, photos distribuées avec componction, mettant en avant une petite douzaine de lots, toujours les mêmes et quelques extraits de description.

Bref, ça buzzait dans le landerneau!

La date elle même de la vente, était choisie avec soin, pour coincider avec le salon du livre ancien du Grand Palais.

Deux mois environ après l'annonce, toujours pas de catalogue disponible jusqu'à ce qu'il soit enfin mis en ligne la semaine dernière: les bibliophiles étaient en haleine, les blogs en parlaient, les bibliomanes commençaient à rapatrier les montants déposés depuis longtemps en Suisse ou à Singapour, les libraires eux-mêmes tremblaient de cette concurrence lors du salon ou s'organisaient de façon à pouvoir être présent à la fois sur leur stand et dans la salle. On trépignait avant de s'étriper gaiement sous l'oeil complice de Sainte-Wiborade, Ad majorem libri gloriam.

Fuck, comme dirait un ami, fin observateur des moeurs de Drouot. Bernique, quoi.

Le buzz, quand on joue cette carte, quand on veut vendre des livres anciens comme le dernier Daft Punk, il faut assurer derrière...

C'est là que le bât blesse, la promesse, autre élément clef familier des apprentis sorciers du marketing, finalement, n'est pas tenue... le catalogue fait quasiment pschitt et comme souvent dans ces cas là, le consommateur renâcle, se cabre, affirme qu'on ne l'y reprendra plus (le naïf...). 

En tout cas, dans le cas présent, les premières réactions qui apparaissent ici et là, les commentaires, les emails, les discussions entre bibliophiles laissent filtrer une déception, une frustration à la mesure de l'attente.

Oh la vente sera sans doute un succès, on lui souhaite, et ne jouons pas les faux naïfs nous non plus, mais c'est vrai qu'après les très belles ventes Binoche Gicquello, que l'on pourrait qualifier d'opportunes et fort bien ciblées..., voici les ventes survendues. 

On allait voir ce qu'on allait voir, et bien on a vu, pas grand chose compte-tenu de la promesse, et nombreux sont ceux qui déjà ont détourné le regard et révisé leur agenda.

Mais le catalogue alors, de cette belle vente, mais qui est loin d'être La vente (depuis 1987...)?

364 lots sont au programme, estimés de 800 à 300 000 euros.

800 euros pour le lot 188, un lot comme il s'en vend tous les jours ou presque dans les salles des ventes de France et de Navarre:

Boileau Despréaux, Nicolas. Oeuvres Avec des Eclaircissemens historiques [...] par M. de Saint-Marc. A Paris, chez les Libraires associés, 1772. 5 volumes in-8 veau blond, triple filet doré en encadrement, dos lisses ornés, pièces de titre et tomaisons de maroquin vert, tranches dorées. Frontispice et 8 figures hors-texte d'après Picart ou Van der Meer. Usures aux coiffes dont 4 arrachées, charnière fendue. Boisard, Jean-Jacques. Fables. 1777. 2 volumes grand in-8 veau blond, triple filet doré en encadrement, dos lisses ornés, pièces de titre de maroquin rouge, tomaisons de maroquin olive, tranches dorées. 2 frontispices d'après Monnet, le premier gravé par St Aubin, le second par Schmitz, et 7 figures hors-texte d'après Monnet, par Schmitz. Dictionnaire bibliographique, historique et critique des livres rares, précieux, singuliers, curieux, estimés et recherchés qui n'ont aucun prix fixe. A Paris, chez Cailleau et Fils, 1790. 3 volumes in-8 demi-veau blond, dos lisses ornés, pièces d'armes Luynes, pièces de titre de maroquin rouge. Trous de vers au dos du tome I, craquelures. Dictionnaire raisonné universel des Arts et Métiers. A Paris, chez Didot Jeune, 1773. 4 volumes in-12 veau brun, dos à nerfs ornés, pièces de titre de maroquin rouge. 3 planches dépliantes au tome II. La France littéraire. Supplément à La France Littéraire. Nouveau supplément... A Paris, chez la Veuve Duchesne, 1769-1784. 4 volumes in-12 basane blonde, dos à nerfs ornés, pièces de titre de maroquin rouge, tomaisons de maroquin vert. Usures, épidermures et frottements à la reliure. (18).

Et 300 000 euros pour le lot 47, un lot il est vrai exceptionnel et unique:

FÊTES PUBLIQUES DONNÉES PAR LA VILLE DE PARIS À L'OCCASION DU MARIAGE DE MONSEIGNEUR LE DAUPHIN, LES 23 ET 26 FÉVRIER MDCCXLV.
Estimation: 200,000 - 300,000 EUR
In-folio coffret orné d'une grande plaque de maroquin bleu nuit, aux grandes armes de Marie-Charles-Louis d'Albert, Vèmeduc de Luynes, duc de Chevreuse, portant les lions des Luynes et les fleurs de lys des Bourbon-Neuchatel,  large dentelle rocaille en encadrement, avec cartouches aux angles portant le lion des ducs de Luynes, dos à 9 nerfs orné des pièces d'armes Luynes.
Unique et exceptionnel recueil des 19 aquarelles originales rehaussées à la gouache, dont 9 à double page, représentant les festivités organisées à Paris, pour le mariage du Dauphin, fils aîné du roi Louis XV, avec l'Infante Marie-Thérèse d'Espagne. Le texte explicatif en fin est imprimé et entièrement enluminé. Les légendes et les encadrements sont  à l'encre de chine, en noir.
 Les aquarelles sont de François Blondel, le frontispice de Charles Eisen et l'allégorie du mariage de Charles Hutin. Le Mercure de France de novembre 1751 précise que la majorité des dessins a été composée par François Blondel et non par les Cochin père et fils à qui ont les attribus généralement.
Dimensions : Coffret, 675 X 522 mm. Planches doubles 950 X 625 mm. Planches simples 475 X 625 mm
Le mariage eut lieu à Versailles le 23 février 1745. La ville de Paris organisa une des fêtes les plus somptueuses de la Royauté, la Place Louis le Grand, la Place du Carrousel, la Place de l'Estrapade, la Porte Saint Antoine furent décorées et transformées en demeures mythologiques tapissées de rocailles. Des buffets et des orchestres furent installés dans les différents quartiers de la capitale.
A l'Hotel de ville, le sculpteur Lange travailla à la décoration de la salle de bal, Duparc fournit les gobelets de faïence et on fit appel à Gersaint pour le mobilier. Commande du 30 juillet 1745:  "payer comptant au sieur Gersaint, marchand bijoutier, la somme de dix huit cent quarante trois livres que nous lui avons ordonné et ordonnaons par ces présentes pour le loyer des meubles en porcelaine par lui fournis dans différentes chambres de l'Hotel de Ville lors du bal donné par la ville au mois de février dernier à l'occasion du mariage de M. le dauphin".Guillaume Glorieux. A l'Enseigne de Gersaint.
La reliure est attribuable à Padeloup, 1685-1758. Les fers utilisés pour le décor sont identiques à ceux qui ornent l'exemplaire du roi Louis XV, conservé à la Bibliothèque de Versailles, et de l'exemplaire de Antoine-René de Voyer de Paulmy d'Argenson, garde des sceaux du roi Louis XV.
La reliure de l'exemplaire des Fêtes pour le mariage du Dauphin de Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson, posséde les planches titrées à l'eau-forte entièrement aquarellées, dans la vente le 21 mars 1996 était attribué à Padeloup.
Le recueil de cartes manuscrites de la guerre de Succession d'Autriche, (tome VII), de Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson conservé à la bibliothèque de l'Arsenal est en reliure identique portant l'étiquette de Fournier, relieur.
La reliure de l'exemplaire de Madame Adélaïde en maroquin rouge orné de la même dentelle, est signé par Padeloup.
La reliure des deux premiers tomes de l'exemplaire des Fables de La Fontaine, illustrées par Oudry, du vicomte Couppel de Lude, sont attribués à Bonnet, les tomes   3 et 4 en reliure différentes portent l'étiquette de Padeloup.
Les planches de l'album Luynes portent une trace d'onglets, la reliure ayant été remplacée par un coffret au XIXème siècle, les plats en maroquin aux grandes armes conservés.
Le titre, le frontispice, la "Vue perspective de la Place Louis le Grand", la Vue perspective de l'intérieure de la Place Dauphine,  et la planche " Explication de la Porte Saint Antoine". présentent des petits trous en marge, traces des fermoirs. Deux points de brunissure à la double planche "Vue perspective d'une des salles de la Place de Louis le Grand. Salissure en marge de la planche "Salle du bal", salissure à la pliure de la "Vue perspective de l'intérieure de la salle de la Place Dauphine", déchirure à la pliure de la "Salle du Carousel, petites déchirures et marge effrangée à une planche simple. Décoloration au deuxième plat de la reliure, nerfs et coupes frottés.

Si on considère ensuite les estimations décroissantes, on constate que seuls quatre lots sont estimés au dessus de 30 000 euros, trois cartes et un ouvrage, Mémoire pour Messire François Bigot, ci-devant Intendant de Justice, Police, Finance & Marine en Canada, Acccusé: Contre Monsieur le Procureur-Général du Roi en la Commission, Accusateur (1763). Assez surprenant, quand on s'attendait "à voir ce qu'on allait voir".
  
Les reliures proposées surprennent également, avec seulement une petite trentaine de lots en maroquin soit moins de 10% des lots mis en ventes. Le maroquin n'est certes pas gage de qualité, mais c'est étonnant dans une vente qui a été aussi mise en avant, et qui propose autant de livres du XVIIIe siècle.

A part les armes des Luynes d'ailleurs, c'est l'absence de cohérence qui frappe également dans cette vente. Logique me direz vous avec raison, puisqu'il s'agît d'une vente de la bibliothèque d'une famille qui a rassemblé ces ouvrages sur plusieurs siècles, et qui étaient lecteurs, hommes d'armes, etc, avant d'être bibliophiles. 

Peut-être alors aurions-nous pu espérer de Sotheby's de nous mettre en scène un peu plus judicieusement les lots, ce qui par exemple nous éviterait de passer brutalement d'un Abrégé de mécanique XVII-XVIIIe aux armes du Grand Dauphin à un livre d'heures de 1460, lui-même suivi d'un Robinson en anglais, imprimé en 1797 à Dampierre. Mais sans doute la respectable maison de ventes (aucune ironie) était-elle occupée ailleurs.

Une belle vente donc, assurément, mais certainement pas la vente dont la communication fût si bien (trop?) orchestrée.

On retient quoi alors, à part qu'on nous a pris pour des perdreaux de l'année?

Les lots 73 et 77 par exemple:

73
LA FONTAINE, JEAN DE.
Estimation: 8,000 - 12,000 EUR
Fables choisies, mises en vers par J. de la Fontaine, nouvelle édition. Paris, chez l'auteur, 1765-1775. 6 volumes in-8 (200 x 124 mm) maroquin rouge aux armes Luynes, triple filet doré en encadrement, dos lisses ornés, pièces de titre et tomaisons de maroquin havane et vert, tranches dorées (Reliure de l'époque).

L'estimation est à rapprocher du résultat de 3600 euros pour un exemplaire en maroquin (mais sans les armes), obtenus le 1er mars 2011 à la vente Robert - Baille, des 6000 euros obtenus à la vente Piasa du 10 novembre 2005 (maroquin cerise sans armes), des 2000 euros obtenus à la vente Tajan de 2011 (5eme volume en reliure pastiche il est vrai, mais avec M. Courvoiser comme expert),... de l'exemplaire ravalé lors de la vente PBA du 7 décembre 2004 (6 volumes aux armes, en maroquin, estimés par M. Courvoisier à l'époque à 7500 euros). 

O tempora, ô mores.

Un bel exemplaire donc, généreusement estimé. Mais je ne suis pas expert, et surtout qui suis-je pour me plaindre d'autres experts qui sous-estiment généralement les ouvrages dans leur catalogues? D'ailleurs, il va sans doute les faire ses 10 000 euros, non?

Le numéro 77 est également intéressant, il s'agît de la fameuse édition de 1734 du Molière:

77
MOLIÈRE, JEAN-BAPTISTE POQUELIN DIT.
Estimation: 10,000 - 15,000 EUR
Oeuvres. Nouvelle édition. Paris, [Pierre Prault], 1734. 6 volumes in-4 (280 x 208 mm) veau brun aux armes Luynes, triple filet à froid en encadrement, dos à nerfs ornés de fleurons et pièces d’armes Luynes, pièces de titre et tomaisons de maroquin rouge (Reliures de l’époque).

Provenance 
Charles Philippe d’Albert (1695-1758), quatrième duc de Luynes, mémorialiste de la cour de Louis XV, pair de France et mestre de cavalerie.
Litterature
Cohen, 712-14.
Description
Exemplaire de premier tirage avant les corrections au mot « comteesse », tome 6, page 360.
 Portrait de l’auteur par Coypel gravé par Lépicié, un fleuron de titre répété à chaque volume, 33 figures hors texte d’après François Boucher, gravées à l’eau-forte par Laurent Cars.
 Imprimée sur papier vergé à grandes marges, cette édition fut établie par Marc-Antoine Joly d’après les textes imprimés du vivant de Molière, préfacée par M. de Serre.

Reliure usagée et frottée, coiffes fragiles, tache page 414 du tome II, légères restaurations aux coins, rousseurs et quelques cahiers très légèrement roussis.

Une estimation de 10 - 15 0000 euros qui me semble aussi légèrement élevée, si on la compare aux 11000 euros réalisés pour un exemplaire en plein maroquin d'époque à la vente Piasa du 3 mai 2011... et surtout quand on sait qu'un excellent libraire (M. Pierre Brillard de Tarascon) vend le même, en vérité en mieux, pour 8000 euros actuellement:  http://livresanciens-tarascon.blogspot.fr/2013/03/uvres-de-moliere-illustrees-par.html

Cher Pierre, si vous ne vendez pas votre exemplaire, vous savez à qui le confier :)

Il y a bien sûr des lots intéressants dans la vente, il y a bien sûr des lots à la dimension historique indéniable, mais on est loin de la vente de l'année.

Et si on nous avait emballé une vente assez belle avec quelques très beaux lots, histoire de nous survendre tout cela, sans oublier la belle histoire des Luynes et du chateau, du storytelling, du marketing quoi? 

Chassez le naturel...


H

Voyage au siècle des Lumières: d'Helvetius à l'un des 12 exemplaires des Fermiers Généraux reliés avec les fers de Gravelot

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Amis Bibliophiles bonjour,

Je vous propose à nouveau de découvrir un certain nombre de livres de ma bibliothèque. Vous allez me demander pourquoi? C'est assez simple : j'aime à partager les ouvrages que j'ai eu plaisir à trouver.

Avec le temps, je me demande même si je n'ai pas plus de plaisir à les traquer, qu'à les avoir ensuite dans ma bibliothèque! Quelle excitation de trouver au détour d'un catalogue d'une obscure vente du Texas ou du Danemark (ou de Drouot!) le texte tant recherché dans une reliure impeccable! Quelle satisfaction que de retrouver la provenance illustre d'un livre qui avait échappée à l'expert ou à un libraire!

Lorsqu'on collectionne les éditions classiques du 18e, il convient d'avoir certains ouvrages qui sont incontournables car ils constituent, par leur typographie, par leur élégance, ce qui se faisait de mieux à l'époque.

Je citerais deux éditions "de luxe" :

- Regnier "Satyres" 1733, in-folio en maroquin bleu foncé, dos à la grotesque.
Exemplaire en grand papier avec le texte encadré.



- Ovide "Métamorphoses" 1732 in-folio en maroquin rouge, dos à la grotesque. Une note manuscrit ancienne le décrit comme un grand papier.
Toutefois, en comparaison avec plusieurs autres exemplaires que j'ai eus en main, je n'ai jamais trouvé de différences de taille ou de qualité de papier… Edition admirable illustrée par Picart. Le seul bémol, c'est qu'elle est peu maniable, c'est le moins que l'on puisse dire (mon exemplaire fait 480mm de haut!).



- La Bruyère "Les Caractères" 1765 in-4 en maroquin rouge. Là encore, une note manuscrite le décrit comme un grand papier. Certains préféreront une édition 17e et ils ont sans doute raison (j'en ai aussi :)). Mais que ces maroquins in-4 18e sont beaux : proportions admirables du format, typographie nette, reliure caressante!



Il y a un auteur qui était célèbre à cette époque mais qui est complément passé de mode : le président Henault (1685-1770) auteur de "Chronologie de l'histoire de France". On compte beaucoup de beaux exemplaires sur les nombreuses éditions de luxe qui furent diffusées au 18e. Celui-ci est à l'état de neuf et enrichi de portraits de la suite d'Odieuvre.

- Henault "Chronologie de l'histoire de France" 1749, in-4 en maroquin rouge.



Je reste sur le registre historique : chemin faisant, je me suis laissé tenté depuis peu sur ces textes de mémoires historiques que l'on rencontre parfois en fort jolie condition.
  
Pour le plaisir, je vous fais découvrir ici quatre petits bijoux :

- Villegomblain "Mémoires des troubles arriva en France sous les règnes de Charles IX, Henry III et Henry IV…" 1669, 2 vol in-2 en maroquin rouge dans le style de Derôme. L'exemplaire provient de la très remarquable bibliothèque historique de René de Brassac Béarn (n°185 de la deuxième partie de sa vente).


- "Le tombeau des amours de Louis le Grand" 1645 in-12 en maroquin bleu marine par Bozérian. L'exemplaire provient de la bibliothèque Renouard (lot 2015 de sa vente de 1854, avec les pages de garde en peau de vélin caractéristiques) et Genard. Il est enrichi de 9 portraits.


- "La vie de Messire Gaspard de Colligny" 1643 in-12 en maroquin bleu foncé par Bozérian.
De la bibliothèque Pieters (auteur de la bibliographie des Elzevier) et Renouard (cat. 1919 V2 p127). Là également, reliure caractéristique de la bibliothèque Renouard avec des gardes en peau de vélin.


- "La confession réciproque ou dialogue du tems entre Louis IV et son confesseur Père de la Chaise" 1694 in-12 en maroquin vert dans le style de Derôme. Exemplaire provenant des bibliothèques Joaquin Gomez de la Cortina (1872 n°1625), Robert Hoe (1912 IV n°773) et Mortimer L. Schiff (1938 II n°724)


Le 18e, c'est d'abord le siècle des lumières.
C'est un peu le coeur de ma bibliothèque.Je voudrais vous faire découvrir deux exemplaires avec des  textes qui ont marqué les esprits :

Helvetius "De l'Homme" 1773 en 2 vol in-8 en maroquin vert dans le style de Derôme.
Livre important que l'on rencontre assez rarement en belle condition.


Freret "Lettre de Thrasibule à Leucippe" vers 1768, in-12 en maroquin rouge.
Edition donné par Holbach après la mort de Freret.
Des manuscrits circulèrent depuis les années 1720.
Ouvrage des plus importants concernant l'athéisme et la pensée du 18e.


Je finis ce petit topo par La Fontaine.
Je vous avais déjà présenté les contes en reliure mosaïquée d'époque, et la suite de Larmessin. Il restait donc un de ces livres qui symbolise à lui seul l'esprit du 18e français : les contes des fermiers généraux de 1762.

La Fontaine "Contes" 2 vol in-8 en maroquin vert par Derôme le Jeune.
Un des 12 (ou 20?) relié pour les Fermiers Généraux avec les fers de Gravelot.
Les figures sont couvertes, signe du premier tirage.
L'exemplaire est sans aucune rousseur, ce qui est peu commun.
Le tirage des gravure est très délicat et contrasté.

Voir l'excellent article de JP Fontaine, à la suite duquel j'ai rajouté quelques commentaires sur les exemplaires répertoriés :





J'en profite pour réitérer ma demande (Hugues doit saturer :)) : si quelqu'un a un "romans et contes " de Voltaire de 1778 en maroquin d'époque, qu'il me le fasse savoir. Par l'intermédiaire du blog, j'ai eu la chance d'en voir un dernièrement.

On se met à rêver….

Wolfi

Ebayana et Bibliophilie, livres anciens en vente sur ebay: belles reliures, EO, livres à planches, éditions du 16ème au 20ème siècle

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Amis Bibliophiles bonjour,

Le bibliophile revient enfin de voyage...

Le site encheresbibliophiles.fr est toujours disponible en version beta, il est stabilisé, j'ai ajouté les liens vers els sites italiens et allemands.

Voici une liste d'ouvrages intéressants actuellement en vente sur ebay:




























































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La Pragmatique Sanction de Bourges, ou l'affirmation du pouvoir royal sur l'Eglise de France... à travers les livres

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Amis Bibliophiles bonjour,

En 1438, Charles VII, assemble les principaux ecclésiastiques de France, des docteurs en droit, ses grands conseillers et familiers dans le palais du duc Jean de Berry à Bourges. À l’issue de cette réunion le roi édicte le 7 juillet “La Pragmatique Sanction de Bourges” qui repose sur des principes gallicans. 


En effet cette ordonnance reprenait les idées des canonistes français, affirmait le pouvoir royal sur l’Eglise de France et son indépendance vis à vis de la papauté. Elle donnait au roi la possibilité de nommer les évêques et les abbés, elle supprimait les appels en cours de Rome et certains droits fiscaux pontificaux (annates).

Bien sûr Rome condamna ces décrets. Louis XI,  en 1461,  abrogea la Pragmatique Sanction mais pas son usage. Le concordat de Bologne, en 1516, entre le roi François Ier et le pape Léon X, la remplaça définitivement, mais retint le principe d’une église gallicane.

Dans ce contexte d’affirmation de l’entité française, les éditions de la Pragmatique Sanction sont nombreuses. 

L’édition princeps in-4°, sans lieu ni date, de 35 feuillets de 27 lignes en caractères romains est attribuée par Brunet à Ulric Gering et datée de 1472 environ. Elle est décrite d’après l’exemplaire du libraire Potier en 1856. Cette édition n’apparaît pas, en tant que telle du moins, au C.C.Fr. Ceci dit, elle semble logique; Guillaume Fichet, le recteur de l’Université de Paris avait tout à la fois favorisé l’installation des proto-typographes parisiens (dont Ulric Gering) et pris parti pour la Pragmatique Sanction de Bourges aux côtés du Parlement de Paris contre le projet de suppression de Louis XI. Il reste à en localiser des exemplaires.

Une autre édition incunable parut en 1476 environ, à Toulouse, avec les caractères gothiques utilisés cette même année par l’imprimerie locale sans qu’on identifie l’imprimeur. Ensuite, les impressions se succèdent, à Paris en 1481 chez Jean Bonhomme, puis en 1484 et 1486 et à Lyon en 1488, Chez Guillaume Balsarin,  etc.  

Jean Bonhomme à Paris publie en 1486 la première édition commentée par Côme Guymier. Au début du XVIe siècle, Philippe Pigouchet fait fonds de ce titre dans son catalogue, en 1502 et 1503 avec le commentaire de Côme Guymier et le réimprime en 1510 pour Jehan Petit sous la forme d’un gothique latin avec les deux marques de Jehan Petit et de Philippe Pigouchet. 

Une édition post incunable 1503
PRAGMATICA SANCTIO,
 Philippe Pigouchet, Jean Parvi, Paris, 1503 ;
 in-8 gothique deux colonnes, 205 ff, 1 f blc, 31 ff.
  Marque de Jean Alexandre sur le titre et celle de Philippe Pigouchet au verso du dernier feuillet.
Les éditions en gothique français sont peu nombreuses. Bechtel en récence deux seulement. Celle de 1508 imprimée par Gaspard Philippe à Paris pour Martin Alexandre dont on ne connaît pas le traducteur est la première en français. La seconde est donnée en 1513 par Michel Le Noir.

Comme on voit, de nombreuses éditions sont enrichies du commentaire de Côme Guymier, chanoine, licencié en droit, président aux enquêtes de Paris, qui meurt en 1503. Sa glose, véritablement expansive, encadre alors tout le texte de la Pragmatique Sanction, faisant d’un petit opuscule un gros ouvrage.

Commentaire de Cöme Guymier
Les éditions du XVIe siècle sont souvent accompagnées du texte du Concordat de 1516. À Lyon, les libraires Vincent, (Simon en 1532 et Antoine en 1538) et à Paris, Galiot du Pré (en 1546 et 1554) comptent parmi les plus prolixes de la Pragmatique.

Une édition lyonnaise assez courante avec le  commentaire de Cosme Guymier :
PRAGMATICA SANCTIO studiosis utilissima cum Concordatis. Lyon, Antoine Vincent pour Mathieu Bonhomme 1538 (1539 nx st.) Petit in-8, 267 ff. 54 ff. n. ch., XXI ff,  7 ff. n.ch. 
Une édition en français :
La Pragmatique Sanction contenant les décrets du concile national de l’Eglise gallicane assemblée en la ville de Bourges, au règne du Roy Charles septième avec le concordat d’icelle avec le Très chrétien roy François Premier de ce nom, et le Pape Léon Dixième, Paris, Vincent Sertenas, 1561, in-12°, 58 ff. 1f. 
Après le XVIe siècle les éditions se firent plus rares, l’indépendance vis à vis du Souverain Pontife était acquise. Peut-être faut-il noter, comme derniers feux d’un patriotisme de province, l’édition augmentée des commentaires du jurisconsulte natif de Bourges, François Pinsson des Riolles, en 1666 à Paris.

Lauverjat

Messier, relieur parisien méconnu de l'époque romantique

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Amis Bibliophiles bonsoir,


Chacun connaît les grandes signatures des relieurs de la Restauration, Simier, Thouvenin, Ginain, Vogel ou encore Purgold, (bien que la production de ce dernier semble moins considérable en quantité que sa réputation). Tous sont abondamment cités par les spécialistes de la reliure et les bibliophiles.

Messier, en revanche, est un relieur parisien de l’époque romantique sur lequel les bibliographes sont laconiques. Certes il ne fréquente pas comme ses prestigieux confrères les Expositions des produits de l’industrie en vogue sous la Restauration.
 
Voltaire, 1816, : Librairie Du Cardinal /Livre-rare-book.com
Je n’ai pas trouvé sa naissance ni même son prénom. Peut-être ce Jean-Baptiste Messier maître doreur à Paris qui épouse le 24 novembre 1774 Marie Louise Mardelle est-il de sa famille ? Ou cet autre Messier qui enseigne, à la fin du XVIIIe siècle, à Tournai, la buffleterie et peut-être la reliure, à Donat Casterman, futur relieur imprimeur libraire?

Il exerce en tous cas 13, rue des Marais-Saint-Germain à Paris, de 1826 à 1842. Cette ancienne rue porte actuellement le nom de rue Visconti. Aussi faut-il observer que le relieur Doll exerçait à cette adresse jusqu’avant sa retraite en 1825. Cependant en 1826 et 1827 on y trouve aussi brièvement un autre relieur du nom de Chaumont. S’agit-il d’une association fugitive ? L’étude des fers employés par Messier permet cependant d’identifier du matériel employé précédemment par Doll (à la réserve de pouvoir comparer les livres des deux
relieurs simultanément).

Œuvres Millevoye, 1827, librairie Gribaudo Vandamme
A la même adresse exerce encore Charles Motte un imprimeur lithographe. Messier affectionne le veau glaçé. Il orne les plats d’un encadrement de filet au noir, à froid ou doré, doublé à l’intérieur d’une roulette de palmettes dorée ou à froid. Le plus souvent il pousse au centre une plaque restauration. La variation de l’usage des combinaisons au noir, à froid ou doré multiplie les compositions avec un nombre de fers et de plaques réduit. Les
coupes sont ornées de roulettes ou de filets hachés dorés. Les caissons du dos présentent parfois un fleuron serti dans un double ou triple encadrement de filets dorés. Au final, ses décors ne diffèrent pas de ses concurrents de l’époque tels Duplanil ou Simier.




Ses livres sont cependant très soignés et bien équilibrés, « agréables à tripoter » comme dit Beraldi. Le bibliophile Jean-Baptiste Tenant de Latour, ancien bibliothécaire du roi, parle de lui comme de « mon excellent relieur, l’honnête Messier » en 1827. Jean-Baptiste Huzard le fait travailler, ainsi que Laurent de Bure, libraire-éditeur, sur ses classiques français de la Bibliothèque de l’Amateur au format in-8. De Bure propose en effet ses livres reliés par les artisans en vue du moment Simier, Germain-Simier, Thouvenin, Caron, etc.

Pour autant Messier avait-il la faveur de l’élite des bibliophiles de l’époque? Le sondage auquel je me suis livré laisse apparaître sa signature sur une très large majorité de livres contemporains. On lui reproche aussi d’avoir outrageusement rogné pour en dorer les tranches un manuscrit sur peau de vélin mais cette pratique tient à son époque.

En 1842 Messier cesse son activité, reprise sur place par Prévost jusqu’en 1849 et dont la carrière nous est encore plus obscure.

Lauverjat

Ebayana et Bibliophilie, livres anciens en vente sur ebay: belles reliures, EO, livres à planches, éditions du 16ème au 20ème siècle

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Amis Bibliophiles bonjour,


Le bibliophile revient enfin de voyage...

Le site encheresbibliophiles.fr est toujours disponible en version beta, il est stabilisé, j'ai ajouté les liens vers els sites italiens et allemands.

Voici une liste d'ouvrages intéressants actuellement en vente sur ebay et qui pour la plupart n'étaient pas encore sur encheresbibliophiles.fr au moment où j'écrivais ce message.






























































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Les sociétés de bibliophiles I - La doyenne des sociétés de bibliophiles, la "Société des Bibliophiles François", avec une présentation des Commentaires de la Guerre Gallique.

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Amis Bibliophiles bonjour,

Si certaines existent encore, formelles ou informelles, au grand jour ou pas, les sociétés de bibliophiles furent la grande affaire des XIXe et XXe siècles. Je vous propose de redécouvrir ces principales sociétés de bibliophiles à travers un cycle d'articles qui leur seront consacrés.


La Société des Bibliophiles François, fondée en 1820, est la doyenne de ces sociétés (on ne connaît qu'une seule société qui soit sa doyenne, le Roxburghe Club de Londres, mais nous aurons l'occasion d'y revenir). 

En 1819, en effet, MM. de Chateaugiron, de Pixerécourt, Walckenaër, de Malartic, Durand de Lançon, Bérard, Edouard de Chabrol et de More-Vindé, tous grands amateurs et possesseurs de bibliothèques, conçurent le projet de former une société dans le but de faire imprimer des ouvrages inédits, ou de réimprimer des ouvrages très rares, ce qui restera sa caractéristique principales et sa différence majeur avec les autres sociétés qui furent créées par la suite (et dont l'objectif fut souvent de publier des livres d'art, bien illustrés, tirés à petit nombre).

Cette société, fondée le 1er janvier 1820, prît le nom  de Société des Bibliophiles François.  Aux 8 membres fondateurs, cités ci-dessus, s'ajoutèrent bientôt 16 autres membres et 5 membres associés étrangers, portant l'effectif à 29 (la société atteindra un chiffre maximal de 35 membres).

C'est l'objectif recherché par la Société lui-même qui de facto, définira le recrutement des membres. En effet, la Société des Bibliophiles François n'intègre pas de bibliophiles amateurs de belles estampes, et désirant illustrer somptueusement, idéalement de façon annuelle, un chef-d'oeuvre de la littérature française, en accordant un soin particulier au choix du papier, des caractères, de l'illustrateur, de la composition et du tirage. 

La Société des Bibliophiles François est plutôt une réunion de savants, de gens du monde possesseurs de bibliothèques, d'archives de famille, susceptibles d'apporter à la Compagnie un manuscrit précieux encore inédit, de faire une trouvaille historique ou littéraire, telle des lettres de Louis XIII au Cardinal de Richelieu..., ou de proposer par exemple la réimpression de Roti-Cochon, ouvrage de 1689 destiné à enseigner la lecture aux enfants... ou encore les Commentaires de la Guerre gallique.

La Société des Bibliophiles François publia ainsi moins d'une cinquantaine d'ouvrages, qui sont tous aujourd'hui devenus rares et très recherchés des amateurs. On le voît, cette Société peut presque être considérée comme une académie privée des inscriptions et belles lettres, un salon. Les réunions se tenaient d'ailleurs dans le salon d'un des membres de la Société, ou chacun, comme dans une académie, retrouvait son "fauteuil", portant son numéro d'ordre d'admission.

Les jetons de présence et le papier à lettres de la Société des Bibliophiles François s'ornent de l'effigie de Jacques Auguste de Thou, "patron de la compagnie", qui incarne parfaitement l'objectif historique que s'était donné la Société. 


On y retrouvera bien sûr la noblesse (le Comte de la Bédoyère, le baron Pichon, le duc d'Aumale, le prince de Metternich), l'armée et des bourgeois (Ambroise Firmin-Didot, Jules Janin, etc.) et même, c'est à souligner... quelques femmes ainsi la marquise de l'Aigle, la comtesse de Galard, la duchesse de Broglie, la duchesse de Clermont-Tonnerre, la duchesse de Bisaccia.

Ces membres se réunissaient tous les 15 jours de décembre ou janvier à mai ou juin. Un banquet annuel réunissait les membres de la Société. Le plus célèbre d'entre eux, fut celui organisé par Prosper Mérimée au cours duquel furent servis successivement un potage, un turbot, de la selle de mouton, un poulet à la marengo, une timbale à la portugaise et sorbets... pour terminer le premier service, avant de reprendre avec des poulardes truffées, une terrine de Nontron, des asperges en branches, des écrevisses, puis enfin les entremets et les gâteaux; laissant Mérimée sur sa faim puisqu'il se plaignît de ne pas avoir pu se procurer des "huîtres de Marennes ou d'Ostende".

S'il était naturellement accepté que les membres vendent des ouvrages (soit de façon organisée via des ventes aux enchères, soit de façon occasionnelle), aucune personne faisant commerce de livres ne pouvait y être admise. 

Le baron Jérôme Pichon
Cette Société se caractérise également par son absence de président à l'origine, les membres fondateurs dirigeant à tour de rôle les débats et occupant le fauteuil "présidentiel". C'est un président, néanmoins, qui lui donnera un essor notable et permettra de multiplier les publications: le baron Pichon, qui la présida de 1844 à 1894 (réélu chaque année), et accueillit les réunions chez lui, dans son appartement de la Rue Blanche, puis dans son hôtel de Lauzun, quai d'Anjou.

A partir de cette seconde moitié du XIXe, le bureau de la Société des Bibliophiles François se composait du président, d'un secrétaire et d'un trésorier. La Société imposait à ses membres des cotisations annuelles de 200 francs, doublées d'un droit d'entrée de 800 francs. Ce sont ces cotisations qui permettaient de financer les frais d'impressions des ouvrages, qui furent soit imprimés uniquement pour les membres, soit tirés à un nombre d'exemplaires plus importants, et proposés aux amateurs qui non membres par le libraire de la Société, M. Francisque Lefrançois (cette vente annexe permettant d'équilibrer le financement d'un ouvrage).

La Société, si elle ne se focalisa qu'à quelques occasions sur l'illustration, apporte un grand soin à ses ouvrages, allant même jusqu'à acquérir des caractères anciens (par exemple ceux gravés en 1730 par Fleischmann pour les Westein, utilisés à la composition de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre en 1853-1854).

La Société des Bibliophiles François occupe donc une place bien à elle dans les sociétés de bibliophiles françaises: académie privée à la dimension historique plus que littéraire, nombre de sièges extrêmement réduit, présence significative de femmes, publications curieuses, livres rares et d'érudition, plutôt que fuite en avant dans la recherche du "beau livre". 

Focus: 
Les Commentaires de la Guerre Gallique (1894), orné de 24 portraits, 61 miniatures et 3 cartes, tiré à 31 exemplaires, 29 pour les membres de la Société, un pour la Bibliothèque Nationale et un pour le British Museum.


Les Commentaires de la Guerre Gallique est l'un des ouvrages les plus remarquables publiés par la Société des Bibliophiles François. Il illustre parfaitement la mission que s'était donnée la Société. J'ai le plaisir de vous présenter cet ouvrage, dont je possède un exemplaire (exemplaire Prince de Metternich, reliure de Carayon).


Au lendemain de Marignan, le Roi François 1er se souvint que quinze siècles auparavant un grand capitaine avait vaincu les Suisses et raconté sa campagne dans un livre immortel. Le Roi voulut le lire et commanda qu’on lui mît en bon français le récit de ce prédécesseur.

La Société des Bibliophiles François, sous l’inspiration d’un Prince issu du même sang glorieux que le Roi François 1er, le duc d'Aumale, décida de reproduire ces trois volumes, et ils furent réimprimés pour ses vingt-neuf membres.

Le destin de cet ouvrage fût cahotique... On suppose ainsi qu'il fut sorti du trésor royal au temps de la Ligue, soit par le pillage du cabinet du roi Henri III dont les dépouilles furent vendues à l’encan devant l’Hôtel de ville, soit par les vols commis dans la bibliothèque du Roi, transportée de Fontainebleau à Paris sous le règne de Charles IX.

Jean Gosselin qui était à cette époque garde de la bibliothèque, dans une note écrite au verso de la reliure d’un manuscrit intitulé La Marguerite des vertus et des vices, accuse le président de Nully « de s’être saisi de la bibliothèque Roi environ la fin du mois de septembre, ayant fait rompre la muraille pour entrer en ladite librairie, laquelle il a possédée jusqu’environ la fin du mois de mars de l’an 1594… Durant le temps susdit ont été emportés de la dicte librairie plusieurs livres dont le commissaire Chenault fit enquête après que le dict Président eut rendu cette librairie». A la suite et dans une seconde note, Jean Gosselin signale les tentaives faites par le célèbre ligueur Rose, évêque de Senlis, familier ami du Président susdit, et d’autres ligueurs de moindre importance « pour posséder la dicte librairie. Mais feu de bonne mémoire le président Brisson, à ma requête et sollicitation, a empêché leur intention».

Ce certificat délivré au président Barnabé Brisson est en contradiction avec un passage des lettres de Scaliger qui l’accuse d’avoir transporté à son hôtel beaucoup de livres et de manuscrits de la librairie du Roi qu’après sa mort sa veuve avare vendit pour un morceau de pain (vidua avara frustro panis, si ita loqui fas est, dividendi).

Dispersés par les événements, les trois volumes des Commentaires de Guerre Gallique sont restés séparés. Et ils le sont toujours.

Le tome premier reparaît peu de temps après dans la bibliothèque de Christophe Justel, conseille et secrétaire du Roi, ainsi que l’apprend une note écrite au recto du premier feuillet (bibliothecae Christofori Justelli)… Quelque temps avant la révocation de l’édit de Nantes, Justel passa en Angleterre avec sa bibliothèque. Il devint bibliothécaire du Roi d’Angleterre et mourut en 1698. Après lui ce premier tome passa dans la bibliothèque de lord Harley et entra avec la collection Harléienne au British Museum.

Le deuxième volume est arrivé aux mains de M. Van Praet d’une source inconnue. Il a été acheté par lui pour le compte des frères de Bure, les grands libraires, qui l’ont légué à la Bibliothèque Nationale où il est entré en 1852.

Le troisième était la propriété d’un Tourangeau, qui après l’avoir gardé quarante ans dans son armoire, le donna au colonel Lacombe sans dire d’où il était venu (...). Il fut acheté par le libraire Téchener, qui l’a revendu en 1854 à Mgr le duc d’Aumale. Il est maintenant un des joyaux de la bibliothèque de Chantilly.

Grâce à la Société des Bibliophiles François, les trois livres furent rassemblés le temps de réimprimer l'ouvrage. 

L’œuvre consiste en un dialogue entre François 1er et César. La première apparition du romain au roi de France est supposée avoir eu lieu « le dernier jour d’Avril, ung moys après la nativité de son second fils en son parc de Saint-Germain-en-Laye ». S’ensuivent plusieurs apparitions dans des forêts ou des parcs.




Au-delà des qualités de l’impression, c’est la beauté de l’illustration qui frappe le lecteur : les miniatures sont magnifiques, admirablement réhaussées par les miniaturistes Benard et Guerrier, et le style de Godefroy est superbe, qui mélange les costumes romains, comme on les comprenait à la Renaissance, et les costumes italiens des premières années du XVie siècle.

Laissons la parole à Janin dans l'Almanach du bibliophile pour l'année 1898, pages 131-132.
« Terminons enfin cet exposé critique des livres de l'année, sur le dernier volume des Commentaires de la Guerre Gallique, réédités aux frais de la Société des Bibliophiles François. Les Commentaires de la Guerre Gallique ne sont point un livre, mais un manuscrit, en trois tomes, que les Bibliophiles françois ont reproduit en fac-simile, pendant le cours des années 1895, 1896 et 1897.

Mais c'est, à coup sûr, une curiosité de bibliothèque, et plus encore une œuvre de grand art, par le soin minutieux qui a été apporté à la reconstitution exacte de l'original. Les nombreuses et superbes miniatures que fit Godefroy le Hollandais pour illustrer la traduction libre de Albert Pighe, de Campen, en Hollande, mathématicien ami d'Erasme, à qui François 1er avait confié le texte, — première traduction française de l'ouvrage de Jules César, — ont été rendues avec la fidélité scrupuleuse que permettent aujourd'hui les procédés photographiques mis en œuvre avec habileté, et corrigés par un artiste. Le texte, manuscrit dans l'original, est imprimé, dans la reproduction, avec un corps antique de noble aspect. L'ouvrage ainsi transposé a un caractère de réelle grandeur, et mérite les éloges les plus absolus.


Les manuscrits sont, l'un au British muséum, l'autre à la Bibliothèque Nationale, le troisième à Chantilly ; la réédition n'a été faite qu'à 31 exemplaires, dont deux seulement ont été déposés dans les collections publiques, du British, à Londres, et de la Nationale, à Paris. C'est certainement l'ouvrage le plus rare de cette année 1897, qui, en fin de compte, n'aura pas été l'année de la Comète du livre. »

Cet ouvrage est typique de l'oeuvre de la doyenne des sociétés de bibliophiles françaises, la Société des Bibliophiles François. 

H

Dictionnaire Encyclopédique du Livre
Histoire des Sociétés de Bibliophiles, Raymond Hesse

Les sociétés de bibliophiles II - La "Société des Amis des Livres", avec une présentation des Cris de Paris, exemplaire unique, enrichi des épreuves originales

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Amis Bibliophiles bonjour,

Après la doyenne des sociétés de bibliophiles françaises, la Société des Bibliophiles François, je vous propose de découvrir aujourd'hui la Société des Amis des Livres. 

La Société des Amis des Livres fut officieusement fondée en 1874, dans cette deuxième moitié du XIXe siècle qui fut si propice aux sociétés de bibliophiles et où la bibliophilie était en plein effervescence. 


Quelques bibliophiles formèrent alors le projet de se retrouver régulièrement pour parler livres et présenter leurs trouvailles, trois en particulier franchirent le pas: M. Galien, bibliothécaire de la Cour de Cassation (dont la bibliothèque personnelle, qu'il avait transporté au Palais de Justice, fut incendiée pendant la Commune, coup terrible pour le bibliophile), M. Philippe de Saint-Albin, ex-bibliothécaire de l'impératrice et Truelle Saint-Evron. Ils furent bientôt rejoint par Eugène Paillet, juge d'instruction, conseiller à la Cour et à l'époque fort d'une bibliothèque que ces contemporains évaluaient à "un demi-million". 


Eugène Paillet recherchait l'exemplaire parfait, n'hésitant pas à le construire à partir de plusieurs exemplaires dans lesquels il choisissait les feuillets les plus beaux. En 1887, il décida de se séparer de sa bibliothèque et la vendît en bloc à la librairie de MM. Morgand et Fatout. Le catalogue comprenait sept cent quatre-vingt-dix-sept numéros. ("Alors que M. Henri Béraldi écrivait avec humour et une verve endiablée la Bibliothèque d'un bibliophile, lentement, laborieusement, je dressais de mon côté le catalogue complet de mes livres. Ce travail étant terminé, j'avais l'intention de le livrer à la publicité. Il me semblait intéressant qu'on fut à même de juger, de comparer une description précise, quasi-scientifique et le croquis fantaisiste quoique très exact, aussi, de mon spirituel bibliographe. Mais certaines circonstances particulières décidèrent le sacrifice de ma collection. Je l'avais formée amoureusement et pourtant je m'en séparai sans regret ; il est vrai que j'en avais joui pendant vingt-cinq ans et les passions hélas ! ne sont pas éternelles. Ma brusque détermination arrêta net tout projet d'imprimer mon catalogue. Je le remis à M. Morgand, le serpent tentateur, qui s'en servit pour la vente. Toutefois, il rédigea plus compendieusement les articles sur lesquels je m'étais peut-être étendu avec trop de complaisance." Vicaire, La Bibliothèque Eugène Paillet)

Les Amis des Livres se rencontraient le dimanche chez Eugène Paillet, simplement pour échanger autour du livre. Ce n'est que quelques mois après, que Paillet confia à un des ses fidèles, le jeune Henri Beraldi: "j'ai envie de m'amuser à faire un livre illustré. Je pense à faire illustrer d'eaux-fortes par Edmond Morin la Chronique du Règne de Charles IX, de Mérimée.". 

Ce "j'ai envie de m'amuser à faire un livre illustré" n'a rien l'air de rien, mais c'était le point de départ d'une tendance très importante de la bibliophilie de l'époque: la publication de beaux ouvrages par les sociétés de bibliophiles.

Le projet du Charles IX fur mené en 2 années et parût en 1876, imprimé par Chamerot, orné de 31 eaux-fortes par Edmond Morin, et tiré à 115 exemplaires. Ce coup d'essai fut un coup de maître. La tendance de fond de l'édition bibliophilique de la fin du XIXe siècle était lancée.

Trois ans plus tard, un autre membre de la Société des Amis des Livres confiait à Jouaust les Scène de la vie de Bohême, ornées de 13 eaux-fortes par Adolphe Bichard... 

Il  fallut attendre 1880 pour que la Société des Amis des Livres s'organise et définisse ses statuts. Eugène Paillet fut élu président et le resta pendant 21 ans (c'est Henri Beraldi qui lui succède en 1901). 

Paillet président, il est en position de réaliser son objectif: rendre hommage à de grands auteurs, en éditant un de leurs ouvrages, orné d'eaux-fortes ou de burins, ainsi Victor Hugo, Balzac, Diderot, Alfred de Vigny, Voltaire, Alfred de Musset, Baudelaire, Anatole France, Dumas, Maupassant, Samain, etc.

Six après la création de l'embryon de la Société en 1874, les fondateurs de 1880 forment une liste plus longue que celles des premiers amis. La Société des Amis des Livres est en effet composée de 50 membres titulaires et de 25 membres correspondants. Elle se fixe officiellement pour but, comme l'indique l'article premier de ses statuts: 

1. De publier des livres avec ou sans illustration qui, par leur exécution typographique ou par les choix artistiques, soient un encouragement aux peintres et aux graveurs, aussi bien qu'un motif d'émulation pour les imprimeurs français.
2. De créer, entre tous les bibliophiles, des rapports suivis au moyen de fréquentes réunions.

Ces statuts serviront de modèles aux sociétés qui seront crées ultérieurement. 

Eugène Paillet est président, et c'est le Duc d'Aumale, déjà membre des majores (la Société des Bibliophiles François, ce qui vaudra parfois aux membres de le Société des Amis des livres le péjoratif minores), qui deviendra président d'honneur en 1881, un président assidu d'ailleurs, qui participe activement aux dîners chez Durand (le jour de son retour d'exil, il alla dîner aux Amis des Livres, au Lion d'Or). 

On retrouve la fine fleur des bibliophiles de l'époque parmi les membres: Brivois, Gallimard, Adolphe Bordes, Jules Clarétie, Descamps-Scrive, Beraldi, Uzanne (Uzanne quittera d'ailleurs les Amis des Livres, amer, qu'il juge trop "traditionnaires" pour aller former la Société des Bibliophiles Contemporains... et qu'il ne cessera de critiquer dans ses écrits, allant jusqu'à les qualifier d'ennemis des livres).

Les dîners de la société avaient lieu chez Durand jusqu'en 1910, et s'enrichirent d'un menu illustré à partir de 1909, offerts par Beraldi ou Borderel, et illustrés par Vidal, Lepère, Laboureur ou même Jou. 

De 1910 à 1914, les dîners se tinrent au Café de la Paix. Comme les membres de la Société des Bibliophiles François, les Amis des Livres étaient gastronomes. Ainsi, le dîner du 6 décembre 1910 proposait-il (pour 15 francs), 4 sortes de vins autour d'huîtres d'Ostende, Crême de Laitues, Truite saumonée Nantua, Médaillon de Veau à la Dreux, Selle de Pré Salé Richelieu, Poularde à la gelée de Porto, Salade Romaine, Asperges sauce mousseline, Bombe Nélusko, Fromages et des fraises au champagne. 

Les dîners qui se tinrent pendant la Grande Guerre furent plus sobres, notamment le dernier "Chocolat Restriction", avec menu illustré, le 18 novembre 1918. Après la guerre, les dîners eurent lieu chez Lucas, puis chez Larue. 

La société est très structurée, Paillet (président) et Aumale (président d'honneur), puis Beraldi (président) et Paillet (président d'honneur), et a les moyens de ses ambitions. Elle se distingue aussi des autres sociétés par des principes qui furent (presque) toujours respectés:

Tous les exemplaires se doivent d'être pareils (pourtant, l'exemplaire de Beraldi de Paysages Parisiens, son premier projet, fut le seul à être imprimé sur Japon). En effet, si vous "permettez à quelques membres d'enrichir leurs exemplaires par l'adjonction de suites ou de tirages spéciaux vendus eaux enchères, vous créez des exemplaires de première et de seconde zone, ce qui est contraire à l'égalité des membres d'une société de bibliophile et à la réputation des volumes édités par la société. Les dessins originaux ne doivent jamais être morcelés (nous le verrons ci-dessous avec Paris qui crie), leur suite doit toujours être vendue complète. Morceler c'est détruire.". 

D'un point de vue comptable, la perte matérielle qui résulte de l'absence de ces enchères habituelles aux sociétés de bibliophiles est compensée moralement par la constitution d'un exemplaire unique et complet qui fait honneur à la société

Truffer, c'est mal! Et Paillet prît plusieurs fois position contre le truffage.

1890... Une année qui fait date dans les annales de la Société des Amis des Livres: Pierre Vidal, qui était jusqu'alors conservateur adjoint au département des estampes à la Bibliothèque Nationale souhaita se mettre à l'illustration. Il avait dessiné toute une série de petits métiers de Paris et ces 30 dessins en couleurs appelaient un texte. Paillet et Beraldi firent alors appel aux membres de la Société pour composer le texte. Les deux proposèrent un texte ainsi que bien d'autres qui savaient manier la plume: Henry Houssaye, Jules Claretie, Roger Portalis, Spencer Ashbee, Albert Arnal, Beraldi assurant à la dernière minute la préface à la place d'Uzanne, etc. Paris qui crieétait né.


Cet ouvrage est un ouvrage clef, qui innova à trois niveaux:
- Les débuts de Pierre Vidal
- Les dessins aquarellés au patron succédant à l'eau-forte
- La collaboration littéraire des membres d'une société de bibliophiles!

L'ouvrage sera tiré à 120 exemplaires.

L'innovation venait de se placer au coeur de l'ADN de la Société des Amis des Livres, et après les dessins aquarellés, Beraldi proposa Paysages Parisiens, avec des bois.

La Société des Amis des Livres proposa d'autres ouvrages importants tels le Zadig de Voltaire, illustré par Rops, les Quinze Histoires d'Edgar Poë, illustrées par Legrand, La Corde de Claretie (membre de la société), illustrée par Jouas... puis ce furent Giraldon, Steinlen, Lepère, Louis Morin, Maurice Ray... ou encore l'Eloge de la Folie, avec 46 bois en couleurs de Lepère, etc.

La Société des Amis des Livres joue donc un rôle majeur dans l'histoire des sociétés de bibliophiles françaises: elle est structurée autour de personnalités fortes, elle prend des positions fermes, plus qu'aucune autre, elle s'honore de révéler et/ou de confirmer les grands artistes de l'époque (Lepère, Steinlen, Rops, Jou, Segonzac...). Les "minores" méritent la reconnaissance des bibliophiles, ils ont percé des routes, creusé les chemins, ils furent révolutionnaires à leur façon, puis gardiens du temple. 

Focus:
Paris qui crie, Petits Métiers
Notices par Albert Arnal, Henry Spencer Ashbee, Jules Claretie, Albert Giraudeau, Henry Houssaye, Henri Meilhac, Victor Mercier, Eugène Paillet, Jean Paillet, Roger Portalis, Eugène Rodrigue.
Préface par Henri Beraldi
Dessins de Pierre Vidal
Paris, imprimé pour les Amis des Livres, par Georges Chamerot, 1890
Tiré à 120 exemplaires dont 50 exemplaires imprimés pour les membres titulaires de la Société des Amis des Livres.



J'ai le plaisir de vous présenter cet ouvrage, dont je possède un exemplaire (exemplaire n°24, de Gabriel Cusco, sobre reliure peinte de Carayon); exemplaire unique contenant les épreuves originales sur japon, à la plume, annotées par Vidal  (27 sur 30), des dessins originaux de Vidal signés sur papier fort (2), les épreuves à la plume des couvertures et les fleurons (sur chine).


Les Cris de Paris sont des expressions de vente à la criée reprises par les marchands ambulants de Paris.

Un peu comme aujourd'hui sur les marchés, ces cris, au nombre d'une cinquantaine, étaient poussés par les marchands ambulants, qui exerçaient leurs activités dans les rues de la capitale, du Moyen Âge à la Première Guerre mondiale. Ils signalaient ainsi leur présence tout en animant les rues et les places de « cette grand'ville si belle mais si bruyante » (Boileau).

Très bel ouvrage illustré de 31 planches hors texte de Pierre Vidal, dont le frontispice, toutes aquarellées à la main à l’époque, dont le frontispice, figurant les petits métiers parisiens : le chevrier, les chiffonniers, marchande des quatre saisons, chanteur dans les cours, la poissarde, donneur de coups de mains, tondeur de chiens, marchand de coco, joueur de bonneteau, marchande de plaisirs, ramasseur de bouts de cigares, etc.



Cet ouvrage, nous l'avons vu, marque un tournant dans l'édition d'ouvrages par les sociétés de bibliophiles françaises,  et constitue l'un des bijoux de la Société des Amis du Livre. 

H


Dictionnaire Encyclopédique du Livre
Histoire des Sociétés de Bibliophiles, Raymond Hesse

Les sociétés de bibliophiles III - La société "Les Cent Bibliophiles", avec une présentation de Mimi Pinson d'Alfred de Musset, illustré par Courboin

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Amis Bibliophiles bonsoir,

Après la Société des Bibliophiles François et la Société des Amis du Livre, je vous propose de découvrir aujourd'hui la Société "Les Cent Bibliophiles". On l'a vu Octave Uzanne avait du mal à trouver ses marques dans les sociétés des autres, divergences de goût... et les autres dans les sociétés crées par Uzanne. Ainsi la société Les Cent Bibliophiles fut fondée par une partie des membres de la société d'Uzanne, les Bibliophiles Contemporains, qui firent sécession en 1895, parce qu'ils jugeaient les vues d'Uzanne trop modernistes (ce qui est curieux quand on pense à Rodrigues...). Les Bibliophiles Contemporains ne survivront pas à ce départ.


Alfred Piat, le secrétaire des Bibliophiles Contemporains, envoya une circulaire "pour recueillir des adhésions à un projet de Société devant pour titre "Les Cent Bibliophiles". Après avoir obtenu l'adhésion de cent membres, Piat convoqua les futurs sociétaires dans une assemblée générale constitutive qui se tînt le 23 mars 1895. Cette assemblée générale permit d'approuver les statuts et le règlement de l'association, et le comité: Piat fut élu président, Paul Eudel et Maurice Quentin-Beauchart vice-présidents, et l'assemblée générale nomma président d'honneur... le Duc d'Aumale, déjà fort présent dans les autres sociétés, comme nous l'avons vu, ainsi que MM Claretie et Houssaye, membres d'honneur. On le constate, il existait donc des ponts entre les Amis des Livres et Les Cent Bibliophiles.

Une assemblée extraordinaire fut convoquée le 17 juillet 1896 suite au décès de Piat en mai 1896. Lors de cette assemblée, fut élu président celui qui allait incarner la société pendant 32 ans et jusqu'à sa mort, le 20 avril 1928, Eugène Rodrigues, qui, nous l'avons vu était par ailleurs lui aussi membre des Amis des Livres (il contribua notamment à Paris qui Crie). En juillet 1928, c'est Henri Vever qui lui succédera.

Portrait d'Eugène Rodrigues Henriques (1853-1928), alias Erastene Ramiro
Le droit d'entrée dans la société, si l'on est accepté, est de 500 francs, payables en même temps que la première cotisation, qui est aussi de 500 francs. En principe la société publie un ouvrage par an, mais le coût des ouvrages imposera parfois quelques délais. Le tirage de chaque ouvrages est limité à 130 exemplaires, tous numérotés, dont 100 immatriculés au nom des sociétaires; les autres étant réservés aux collaborateurs et au libraire agréé par la société pour l'ouvrage.

Comme dans les autres sociétés, les dîners des membres jouaient un rôle important et l'on festoyait sous l'oeil complice de Sainte Wiborade, ainsi le dîner du 10 décembre 1901 proposait-il des huîtres, des potages, de la bisque, un tournedos, du foie gras, des faisans et perdreaux, des pointes d'asperges, des écrevisses, et les desserts.

Comme Pichon chez les Bibliophiles François, comme Paillet chez les Amis des Livres (dont Rodrigues est le neveu par alliance), comme Uzanne chez les Bibliophiles Contemporains, Rodrigues avait une vision, des idées et il va réellement imprimer sa marque sur la société. 

Eugène Rodrigue est avocat à la Cour de Paris, ancien membre du Conseil de l'Ordre... et malgré cette formation en droit... il avait l'âme d'un dictateur, un caractère absolu (voir sa nécrologie dans l'annuaire des Amis des Livres: "à 26 ans... c'était un jeune avocat plein d'avenir, grand mince, brun, avec une fine barbe noire, distingué... et de caractère absolu"). Il connaissait également très bien les sociétés de bibliophiles, ayant par exemple architecturé les Quinze Histoires d'Edgard Poë  puis Lorenzaccio pour les mêmes Amis des Livres. Curieux, amateur d'art, sa vision était qu'en tant que président, il lui revenait d'imposer ses vues. La longévité de sa présidence, la longévité de la société démontrent qu'il avait raison, et ses visions prophétiques en matière d'art ne tardèrent pas à s'imposer. Il avait en effet une conception très large de l'art, et souhaita rapidement donner une liberté plus grande à l'illustration, tout en innovant au niveau des deux choses qui le passionnaient,  la fabrication et l'architecture du livre.

Rodrigues n'abandonna pas l'architecturage des ouvrages de la société à un membre ou à un autre, il assuma seul, avec le tempérament autocratique qui le caractérisait, la direction des éditions des Cent Bibliophiles. Comme le dit Raymond Hesse, les Cent Bibliophiles, c'est Eugène Rodrigues. 

Ainsi Rodrigues était-il un fervent admirateur de Félicien Rops et de Louis Legrand. En 1887, à 34 ans seulement, il avait d'ailleurs publié un catalogue descriptif des eaux-fortes de Rops chez Conquet (sous le pseudonyme d'Erasthène Ramiro), auquel devait suivre en 1891 un  catalogue de ses lithographies (toujours chez Conquet); il publiera plus tard le catalogue de l'oeuvre de Legrand chez Floury.

Pour les ouvrages publiés par les Cent Bibliophiles, Rodrigues va naturellement faire appel à ses artistes favoris et à leurs élèves, tendant naturellement vers les modernes: Rops, Legrand, Rassenfosse, Lepère, Chahine, Lucien Pissaro, Louis Jou, etc. Dans tous les cas, pour les Cent Bibliophiles, l'artiste produire toujours une oeuvre originale, donnant souvent le meilleur de lui-même, notamment parce que Rodrigues est farouchement opposé à la gravure de reproduction. Tant pis pour ceux qui n'étaient pas capable de reproduire eux-mêmes leurs oeuvres dans le bois, la pierre ou le cuivre, et qui faisaient appel à un graveur. Pour les autres, les Rassenfosse, les Jou, les Paul-Emile Colin, et autres, capables de graver de leurs mains leurs bois, les portes des Cent Bibliophiles leurs sont ouvertes. Rodrigues résumait à sa façon son horreur de la gravure de reproduction: "on me donnerait un Raphaël gravé par Albert Dürer que je n'en voudrais pas".

On le constate, Rodrigues était un faiseur de livres. Parmi les oeuvres majeures des Cent Bibliophiles on connaît Les Fleurs du Mal (1899), avec les 160 eaux-fortes de Rassenfosse, Mademoiselle Mimi Pinson, une plaquette aux 18 eaux-fortes en couleurs de Courboin... et surtout A Rebours (1903), auquel Lepère consacra deux ans de travail, et qu'il orna de 220 bois en couleurs, comme le texte d'ailleurs, qui est lui aussi imprimé en plusieurs couleurs. En 1905, les Cinq Contes Parisiens de Maupassant, et même Quelques Fables de La Fontaine illustrées par Chadel de gravures sur bois de fil, imprimées à l'eau selon la méthode japonaise de M. Urishibara, artiste de Tokyo.

Focus:
Mademoiselle Mimi Pinson
Profil de Grisette
par Alfred de Musset
Eaux-fortes en couleurs par François Courboin
Paris, Les Cent Bibliophiles,1899
Tiré à 115 exemplaires, n°23 pour M. Adolphe Bordes, enrichi d'une suite sur chine.



Reliure de Mercier, successeur de Cuzin.

Rodrigues était un moderniste. Il regroupa d'ailleurs autour de lui puis de Vever de grands bibliophiles de son époque: Louis Barthou, Jean Borderel, le Duc de Massa, etc. mais comme le disait Raymond Hesse, pour résumer l'emprise de Rodrigues sur la Société: "Les Cent Bibliophiles ou cent têtes sous le même bonnet".

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Dictionnaire Encyclopédique du Livre
Histoire des Sociétés de Bibliophiles, Raymond Hesse


Ebayana et Bibliophilie, livres anciens en vente sur ebay: belles reliures, EO, livres à planches, éditions du 16ème au 20ème siècle, des ouvrages en achat immédiat et des curiosités

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Amis Bibliophiles bonjour,

Au cas où vous êtes allés au Grand Palais mais que comme moi, vous rentrez bredouille, au cas où vous n'y êtes pas allés, au cas où vous y êtes allés, que vous avez trouvé votre bonheur mais que votre appétit n'est pas rassasié pour autant... ou simplement si vous êtres curieux, voici une assez belle sélection d'ouvrages intéressants actuellement en vente sur ebay.

A noter, de très nombreuses et belles  reliures.

Vous pouvez en retrouver beaucoup plus encheresbibliophiles.fr 


 

































































A l'étranger...



Quelques ouvrages en achat immédiat:





ETRENNES SPIRITUELLES 1775 MAROQUIN ROUGE MOSAIQUEGravures In-16 LATIN FR 










Et enfin...





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Salon International du Livre Ancien au Grand Palais, racontez nous votre salon!

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Amis Bibliophiles bonjour,

Le salon international du Livre Ancien s'est tenu ces derniers jours au Grand Palais. Pour une fois, plutôt que de raconter une nouvelle fois ce que j'ai vu, qui j'ai croisé, et vous montrer les mêmes photos vues partout ailleurs, j'aimerais vous donner la parole, racontez-nous votre salon: Nicolas, Erick, Frédérick, Gilles, Christian même... dites nous tout.



En ce qui me concerne, je vais faire court: c'est toujours le même émerveillement, la même excitation d'être là - l'endroit y est pour beaucoup -, et je ne m'imagine pas ne pas venir au Grand Palais au moment du Salon. Pourtant, cette année, je rentre bredouille: il y avait certes beaucoup de très beaux livres, mais aucun auquel je n'ai pu résister. En fait, avec le temps, je me rends compte que je n'achète au Grand Palais que lorsque j'ai un véritable coup de coeur. Cela n'a pas été le cas cette année, et j'ai préféré remettre quelques achats. Le seul livre qui m'a tenté était le Baudelaire illustré par Schwabe chez Flühmann, mais un amateur plus rapide m'a délivré de la tentation.


J'ai noté un retour en force de la littérature XIXe, en particulier Baudelaire, ainsi que plusieurs "Grand Meaulnes", de qualité diverse, le plus beau n'étant pas forcément le plus intéressant, le plus intéressant étant définitivement laid. Hélas. 

J'ai noté également une petite curiosité: 2 libraires au moins pratiquaient sur leur stand des prix supérieurs à ceux de leur site internet (par exemple 3800 euros au lieu de 3600), bizarre à l'heure des smartphones!

Bredouille en matière de livres, puisque, une fois n'est pas coutume, j'ai craqué pour une estampe de François Houtin que j'avais réservée avant de rejoindre Paris


Beaucoup de monde au vernissage (pendant lequel se sont faites plusieurs transactions très importantes), beaucoup de monde sur les stands, des libraires très satisfaits - pour ceux avec lesquels j'ai discuté, c'est à dire presque tous! Une ambiance plutôt souriante donc, même si la rumeur tenace d'un Salon qui ne pourrait se tenir au Grand Palais l'an prochain pour des questions de date, fut confirmée par plusieurs.Ce serait une très mauvaise nouvelle.

Et vous, votre salon?

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Une petite trouvaille bibliophilique: un jeton de présence de la Société des Bibliophiles François

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Amis Bibliophiles bonjour,

Le bibliophile aime s'entourer de petits objets autour de sa passion: des fers, des petits objets en maroquin, un elzéviromètre (absolument capital dans toute bonne bibliothèque), etc.

Au moment où je préparais pour le blog une série d'articles sur les sociétés de bibliophiles, le hasard a mis sur ma route ce petit objet, un jeton de présence de la Société des bibliophiles François (vous trouverez plus d'informations sur cette belle société de bibliophiles ici: http://bibliophilie.blogspot.fr/2013/04/les-societes-de-bibliophiles-i-la.html).


Ce petit jeton en argent mesure 4 cm de diamètre. Sur l'une de ses faces, on trouve un portrait de Jacques Auguste de Thou, le "patron de la compagnie". Sur l'autre, une très belle bibliothèque dans une belle perspective, surmontée de la devise "et in ea invenies thesaurum". 



Le tout est conservé dans un joli petit écrin de cuit noir doublé de velours bleu roi. Ces jetons étaient remis aux membres de la Société.

Mais d'ailleurs, j'y pense, pensez-vous qu'une Société de bibliophiles aurait encore du sens en 2013?

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Nos libraires ont de l'humour ou la jolie carte de Pierre Saunier au Grand Palais

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Amis Bibliophiles bonjour,

Nos libraires ont de l'humour, même les libraires importants, et ceux-ci le prouvent parfois.


Ainsi la belle carte que Pierre Saunier distribuait sur son stand, où vous pouviez d'ailleurs être accueillis par Ségolène Beauchamp, bibliographe. 

"Livres en bon état ou en état déplorable".
"Prix modérés ou excessifs"...

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Ebayana et Bibliophilie, livres anciens en vente sur ebay: belles reliures, EO, livres à planches, éditions du 16ème au 20ème siècle et des curiosités

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Amis Bibliophiles bonjour,

De retour de voyage, voici une sélection de livres intéressants actuellement en vente sur ebay.

A noter, de nombreuses et belles reliures, et quelques beaux dénichés en Allemagne.

Vous pouvez en retrouver beaucoup plus http://encheresbibliophiles.fr/



Rel de CHARENTON fers de Ruette MAROT & de Beze Nouveau Testament -Pseaumes 1647



















































Quelques trouvailles en Allemagne, repérées grâce à http://encheresbibliophiles.fr/ N'hésitez-pas à vous inscrire sur le site pour recevoir la sélection hebdomadaires des livres les plus suivis, les plus chers et les plus enchéris sur ebay.fr, ebay.it et ebay.de. C'est totalement grayuit :)













Et quelques curiosités, des bois gravés, une enseigne de doreur, etc:















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Gravure et bibliophilie: les in-folios de Paul-Emile Colin, graveur et peintre français.

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Amis Bibliophiles bonjour,


Paul-Emile Colin est né le 16 août 1867 à Lunéville. Il commence à Nancy des études de médecine, qu’il termine à Paris. Son diplôme obtenu, il s’installe en 1893 dans un petit village, qui correspond mieux à son tempérament que la grande ville, Lagny-sur-marne.

Depuis longtemps il s’est découvert une passion : le dessin, puis la gravure, principalement la gravure sur bois. Cette passion est toujours présente. Il va la pratiquer, en auto-didacte (qui a tout de même fait le voyage au Pouldu, auprès de Gauguin), et va perfectionner une technique nouvelle : la gravure au canif, sur bois de bout (ou « bois debout »). Dans ce sens, les fibres du bois ne contrarient pas le geste du graveur, le bois est plus dur, mais le trait plus vif, plus précis.

Il expose ses productions régulièrement, et Edouard Pelletan, jeune éditeur qui apporte un renouveau au livre de bibliophile, inconditionnel de la gravure sur bois, le remarque, et lui offre d’illustrer l’édition 1902, parue en 1904, de son Almanach du Bibliophile.

Dans sa préface, Edouard Pelletan vante les qualités du « Dr Colin » : la sincérité, la volonté, l’émotion, loin du travail virtuose, mais sans âme, de faiseurs plus renommés qu’il ne nomme pas, et lui prédit un grand avenir.

Cette édition de l’Almanach, dont le thème est la Terre, renferme des textes d’Anatole France autour d’Hésiode.

Justement, par une bizarre coïncidence, ce texte d’Hésiode, revisité par Anatole France, qui donne l’occasion de la première publication d’œuvres de Paul-Emile Colin par Edouard Pelletan, sera également son dernier livre publié, dix années plus tard, de nouveau illustré par Colin.

Colin a abandonné la médecine en 1899 et se consacre entièrement à la gravure, principalement la gravure sur bois, dont il devient rapidement un maître reconnu. Il illustre également certaines éditions, toujours d’Edouard Pelletan, auquel il est fidèle : les Philippe, de Jules Renard, en 1907, les Poèmes du Souvenir, d’Anatole France, en 1910, avec Pierre-Eugène Vibert, notamment.

P.E. Colin, « dix aspects de la Lorraine, suite de 10 gravures sur 
bois originales accompagnées d’un texte de Maurice Barrès », Pelletan, 1914.

Bien qu’installé en Ile de France, Colin reste attaché à sa région natale, la Lorraine. Il lui consacre en 1914 une première publication exceptionnelle : « Dix aspects de la Lorraine », éditée par les éditions Pelletan, maintenant dirigées par René Helleu, son gendre, naturellement.

C’est effectivement un livre exceptionnel : ici le graveur n’illustre pas un texte préexistant, c’est l’inverse : un choix de textes de Maurice Barrès « accompagne » les dix gravures de l’artiste à l’origine du projet. En fait, c’est plus un album qu’un livre.

P.E. Colin, gravure numérotée 126,5cm x 16,5cm, la colline de Sion-Vaudémont.

La première de ces gravures présente un site emblématique de la Lorraine : la colline de Sion-Vaudémont, que justement Maurice Barrès met en scène au même moment dans « la Colline Inspirée ». Et Helleu publiera l’année suivante une édition de ce roman, illustrée par Paul-Emile Colin. Il n’est pas anodin de relever que l’achevé d’imprimer en est daté du 12 septembre 1915, « jour anniversaire de la victoire de la Marne ».

PE.Colin, gravure numérotée III, 29,5cm x 16cm, Nancy. Ou une certaine vision de la ville…

Les neuf autres gravures présentent des aspects très variés de la Lorraine : ses villes (Nancy, Metz, Bar-le-Duc), un autre site emblématique (Vaucouleurs), mais principalement des vues campagnardes (Desseling, Liverdun, Martaincourt (sic, pour Martincourt), Jaulny, les Lacs des Vosges). Même les vues de villes sont rurales, à part Bar-le-Duc ! C’est que Paul-Emile Colin est essentiellement attiré par la nature, et surtout pas par les paysages urbains.

PE. Colin, gravure numérotée IV, 22cm x 17 cm : Metz.

Cette publication est d’un format inhabituel : c’est un in-folio de 42cmx32cm, présenté dans un portefeuille de toile grise, à rubans, de format 44cmx35cm.

Les gravures de format variant de 22cmx14cm à  27cmx18cm, sont tirées sur un papier de format allant 30cmx24cm à 37cmx25cm, sont montées sur papier à dessin brun foncé.

Le tirage est très réduit : 15 exemplaires sur japon, et 45 exemplaires sur vélin d’arches, plus 5 épreuves réservées à l’artiste, et un jeu de fumés pour l’éditeur.

Cet album est le premier d’une mini-série, qui sera poursuivie par Helleu en 1919, avec la parution de « dix paysages de l’Yveline », suite de dix gravures sur bois en noir et en camaïeu de Pierre-Eugène Vibert, accompagnées d’un texte de Paul Fort. Un troisième album, de Perrichon, « la Seine aux confins », accompagné d’un texte d’Anatole France, était annoncé, mais il n’a semble-t-il pas paru.

PE Colin, les Routes de la grande guerre – la bataille de l’Ourcq – vingt-deux lithographies accompagnées d’un texte de l’artiste », Chez l’auteur, Bourg-la-Reine près Paris, sans date (1917).

A la déclaration de guerre, Paul-Emile Colin qui a quarante-sept ans, se porte volontaire et sera affecté en tant que médecin auxiliaire des armées à Sceaux. L’année suivante il sera employé par l’armée comme dessinateur, sur les théâtres des grandes batailles de 1914 : la fameuse bataille de la Marne, et son premier épisode, la bataille de l’Ourcq, qui s’est déroulée du 5 au 10 septembre 1914.

Il va alors réaliser une série de gravures au moyen d’une technique inhabituelle chez ce porte-drapeau de la gravure sur bois : la lithographie.

Carte d’état-major. Les traits rouges sont les positions allemandes.

Il publie en 1917 un album, grand in-folio, de vingt-deux lithographies des principaux sites de la bataille, sous le titre « Les Routes de la grande guerre. La bataille de l’Ourcq ». Les lithographies sont accompagnées d’un texte de Paul-Emile Colin lui-même, dans lequel il explique chacune de ces gravures, et donne des indications sur la bataille, grâce aux témoignages qu’il a recueillis auprès des habitants. Ces explications sont renforcées d’une carte d’état-major de la bataille, indiquant les positions allemandes (tranchées, batteries) et les points de vue correspondant aux lithographies.

PE Colin, première lithographie de l’album : Iverny, 35cmx17,5cm

La première de ces lithographies n’est pas choisie au hasard ; il s’agit du site d’Iverny, et Paul-Emile Colin rappelle que ce paysage est celui qui a vu mourir Charles Péguy le 5 septembre 1914, au premier jour de la bataille. Péguy, qui habitait Bourg-la-Reine, l’adresse de Paul-Emile Colin dorénavant.

Comme le premier album, ici les lithographies priment, et le texte de Colin vient seulement mettre en perspective les gravures.

PE Colin, bois en deux tons : Frontispice. Légende : Par leur sacrifice. Vers plus de lumière.

Le texte d’accompagnement est orné de cinquante-sept bois, en-têtes, bandeaux, et lettrines, en deux tons. L’album, de format grand in-folio (37,5cmx33cm) est présenté sous une couverture violine, dans un portefeuille à dos de maroquin, de format 48cmx34cm.


Il est édité directement par Paul-Emile Colin, « 24 Passage Latéral, Bourg-la-Reine, près Paris », et paraît début 1917. Le tirage en est à peine moins restreint que pour le premier album sur la Lorraine : 20 exemplaires sur Japon, avec les lithographies avec remarques et une suite des bois tirée sur chine, au prix de 500 francs, et 138 exemplaires sur vélin, d’Arches, au prix de 200 francs. 2 exemplaires sur Whatman, non mis dans le commerce, comportent les dessins de l’auteur, les suites des bois, sur japon et sur chine, et les lithographies tirées sur papier ancien. 5 collections d’épreuves d’essais sur vélin, et 6 suites des bois sur japon sont proposées à 300 francs.

Fin du premier texte : le Pays. Bois gravé : le château de Crouy.

L’album paraît donc en pleine guerre, et le ton des commentaires de Paul-Emile Colin, qui a participé de loin à ces événements, est logiquement très patriotique, non dénué d’emphase. Voici la dernière phrase du texte :

« On est soulevé d’un grand souffle de fierté, quand on pense au magnifique témoignage de notre force et de notre résolution que nous avons donné au monde. Nous avons vraiment lutté et souffert au delà des forces humaines. Chassés des bords de l’Ourcq, les Allemands se seront demain de toute notre terre de France

QUI NE S’ARRETERA QU’AU RHIN. »

PE Colin, lithographie 8, 30cmx18cm : les bois de Penchard. 
La stèle signale une tombe musulmane, le poteau avec le losange noir une tombe allemande.

Mais l’auteur reste mesuré. Plusieurs de ses lithographies présentent des sépultures, et notamment des sépultures allemandes : simples poteaux noirs, avec un simple numéro d’ordre, bien sûr non fleuries. A aucun moment il n’accable l’ennemi, et évite de verser dans la propagande. D’ailleurs, il montre relativement peu de destructions, et présente plus volontiers des paysages arborés que des champs de ruines. C’est que la bataille qu’il présente n’est pas encore la guerre de tranchées destructrice des années suivantes, que nous avons spontanément en tête en évoquant cette guerre. C’est encore une guerre de mouvements, avec de vastes déplacements de troupes (et notamment les fameux taxis de la Marne), pour encercler l’ennemi, ou au contraire se dégager.

PE Colin, lithographie 21, 29cmx30cm : l’orme plaideur.

De nombreuses lithographies ne montrent d’ailleurs aucune scène guerrière. Par deux fois, il présente un orme majestueux, dont il nous dit qu’il a pu servir de guet. Mais bien sûr ici ce n’est qu’un prétexte pour Paul-Emile Colin, qui reste toujours attaché à ses sujets traditionnels.

PE Colin, lithographie 20, 32,5cmx20cm : Ary en Multien.

PE Colin et Pierre Mille, « L’Inde en France », chemise.

Après la guerre, Paul-Emile Colin publiera un troisième album de gravures, cette fois-ci accompagné d’un texte de Pierre Mille : « L’Inde en France ». Le sujet en sera la présence en France de troupes exotiques : le contingent indien des troupes britanniques.

L’album sera de nouveau de format in-folio (les feuilles mesurant 29cmx28cm), présenté dans un portefeuille de format 40cmx30cm. Il comporte huit grands bois, de format variable, environ 27cmx18cm, et 24 bois en deux tons, dans le texte et sur le portefeuille. Ici le texte de Pierre Mille est plutôt didactique, et indépendant des gravures de Colin.

PE Colin, achevé d’imprimer. Bois supérieur : les ablutions. Bois inférieur : les paons ennemis.

Il paraît en 1920, le tirage comportant un exemplaire sur japon ancien, pour l’auteur, dix exemplaires sur japon et cent neuf exemplaires sur Whatman, et sera de nouveau édité directement par Paul-Emile Colin, au Bourg la Reine.

PE Colin, gravure 4, 26,5cm x 18,5cm : l’astiquage.

Les gravures, si elles donnent toujours la part belle au paysage, présentent un aspect plus inhabituel : le sujet principal en est toujours constitué par les soldats indiens, dans leurs différentes activités, assez peu guerrières: la vie au campement.

PE Colin, gravure 8, 28,5cm x 17,5cm : les deux amis.

Ce sera le dernier grand album publié par Paul-Emile Colin. Après la guerre, il voyagera beaucoup, s’essaiera à la couleur, ce qui donnera un livre illustré de bois en couleurs (Poèmes de France et d’Italie, de Pierre de Nolhac, en 1923, chez Lapina), puis un autre illustré d’aquarelles : les Séductions Italiennes, de Clément-Janin, en 1928, chez Kieffer. Clément-Janin, vieille connaissance : collaborateur et ami d’Edouard Pelletan, rédacteur du catalogue des œuvres de Paul-Emile Colin, chez Pelletan, en 1912, rédacteur du prospectus de l’album « les routes de la grande guerre »…

PE Colin, bois gravé sur le portefeuille : le mangeur d’hommes.

Mais l’essentiel de sa production « bibliophilique » est derrière lui. Si Colin continue une œuvre abondante (bois, aquarelles, huiles),  ses livres illustrés, qu’il édite directement, au Bourg-la-Reine, ne montrent plus le même lyrisme, la même empathie pour son sujet. Bien que de tirages réduits (171 exemplaires pour Daphnis et Chloé, en 1945, par exemple), ils sont beaucoup moins recherchés que sa production d’avant la première guerre mondiale.

Paul-Emile Colin décédera dans la nuit du 28 octobre 1949, à l’âge de quatre-vingt deux ans, avec son épouse, à leur domicile de Bourg-la-Reine, tous deux intoxiqués au gaz carbonique.

Christian - Calamar

Portrait satirique de bibliophile: Goutte, de la spéculation en bibliophilie

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Amis Bibliophiles bonsoir

"On affirme que la Bourse a été cruelle pour Goutte; il pourrait tapisser son élégant appartement de la rue Marbeuf de toutes les valeurs qu'il a achetées à des cours tels que, prises du mal des montagnes elles ont dégringolé aussi bas que l'ont peut dégringoler. 

Goutte s'est ressaisi; il a abandonné ce sport dangereux et peu à peu s'est laissé aller à un genre de spéculations de tout repos.


Il vous reçoit en pyjama rose et à peine vous a-t-il offert la cigarette de l'arrivée qu'il cueille sur sa table un petit in-16 pudiquement enchemisé de papier cristal.
- Dans dix ans cela vaudra vingt cinq louis.
Et preste il escamote l'objet. 

Goutte vend donc des livres? Certes, mais il n'en fait pas commerce. Chez lui les livres ne font que passer. Il achète une "première" de Maurras. Le temps qu'elle prenne un peu de valeur et il la revend pour acquérir une "première" de Paul Valéry qu'il rétrocédera bientôt pour une "première" de Tartempion... etc., etc. 

Vous direz que c'est un gourmet, qu'il prend plaisir à déflorer une édition et qu'il la repasse ensuite à un autre, tel don Juan, vite lassé d'une conquête? Erreur. Goutte voudrait bien lire, il aimait lire naguère, mais la vue d'un coupe-papier le met dans la critique situation de saint Laurent sur son gril. La mention "n.c." (non coupé) est le brevet de virginité dont il se grise et qu'il respecte en amoureux fervent, mais discipliné. Une "première" n'est une vraie "première" que n.c. 

Le livre devient pour lui une sorte d'objet de transaction, complètement dévoyé de son but qui est d'offrir aux honnêtes gens - aux philistins - de saines émotions. Ce n'est qu'une pièce qui a son cours, son tarif. Goutte lit assidûment les catalogues des libraires de seconde main; il note le renchérissement de tel ou tel titre, mais pour ce qu'il contient de potentiel émotif il ignorant comme une armoire à glace.

Depuis vingt ans il ne cesse d'acheter, de vendre et de troquer. C'est un des premiers bibliophiles en date; il a du deviner l'essor de la brocante livresque. Il ne possède pas plus d'un millier de volumes, mais ce capital s'accroît sans cesse. Sa bibliothèque qui se renouvelle indéfiniment représente maintenant une fortune. On le presse de consentir à une vente qui ferait du bruit. Mais sa Bibliothèque, réalisée, que ferait-il? A quoi remploierait-il son argent? Acheter des livres anglaises ou des Rio Tintos? Il se souvient de ses anciens déboires. Et puis ce titre de Bibliophile le flatte; il préfère rester en état de perpétuel devenir et il jouit d'avance de l'éclat de sa vente posthume. 

Il serait même prêt pour cela à imiter Charles-Quint qui assista ses propres funérailles. Mais après? Cette pensée l'empêche seule de commettre une folie..."


in "Bibliophiles?" par André Delpeuch
Paris, 51 rue de Babylone, 1926.

Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé est laissée à la libre appréciation des lecteurs. 
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